Mardi 6 octobre, au Cercil, Stéphanie Trouillard est venue présenter son travail sur la courte vie de Louise Pikovsky, exterminée à Auschwitz en 1944. Une histoire extraordinaire, tragique mais aussi magnifique, d’une jeune fille brillante tuée avec sa famille. Une histoire individuelle qui apporte une pierre précieuse à la narration globale de la Shoa.
En 2010, des lettres et des photographies ont été retrouvées dans une vieille armoire du lycée Jean de La Fontaine à Paris, XVIe. Ils appartenaient à une ancienne élève, Louise Pikovsky. Elle avait correspondu avec sa professeure de français, une relation très forte s’était tissée entre elles, et c’est cette professeur qui avait laissé ces lettres dans l’armoire. Le dernier petit mot, griffonné d’une écriture troublée, disait : « Nous sommes tous arrêtes. Je vous laisse les livres qui ne sont pas à moi et aussi quelques lettres que je voudrais retrouver si je reviens un jour. » Internés à Drancy, les six membres de la famille sont déportés à Auschwitz et n’en reviendront pas.
Un goûter au lycée. Louise est au premier plan à droite. Crédits : Stéphanie Trouillard / France 24
Une enquête internationale
Khalida Hatchi, la professeur du lycée qui avait le paquet en main, s’adresse à Stéphanie Trouillard, journaliste de France 24 largement intéressée par l’histoire, pour lui demander de l’aider à recomposer l’histoire de Louise. En racontant mardi 6 octobre au Cercil, à Orléans, l’histoire de ses recherches, elle a raconté celle de Louise.
Elle a retrouvé, par une photo de classe signée à l’arrière par les participantes, plusieurs femmes qui avaient suivi la même scolarité que Louise, qui lui ont indiqué l’existence de cousines encore vivantes en Israël. Elle est allée les rencontrer à Paris, à Jérusalem, à Berlin. De ces témoignages est sortie une image assez nette de Louise, une jeune fille exceptionnelle, à l’intelligence vive, extrêmement bonne élève, hors du commun.
Tous les témoins ont parlé aussi de leur professeure d’alors, Mlle Malingrey, une femme intelligente, professeure chrétienne progressiste, qui s’intéressait beaucoup aux rapports du christianisme et de la religion juive. Et avec Louise, il est souvent question de religion, dans les lettres. D’ailleurs, dans le dernier paquet de Louise, elle lui redonnait une bible qui appartenait à sa professeure.
Plusieurs canaux de transmission
Stéphanie Trouillard a mis en forme tous les documents et témoignages qu’elle a pu récolter. D’abord dans un web documentaire encore consultable sur France 24, travail extrêmement complet qui retrace toute l’histoire avec détails et photos. Puis dans une BD. Elle a eu l’idée d’impliquer les élèves actuelles du lycée dans certaines de ses recherches, permettant la transmission aux jeunes. Ainsi « sortie des cendre de la Shoa », comme le dit une femme rencontrée pour témoignage, Louise Pikovsky par ses lettres devient petite sœur d’Anne Franck avec son journal. Toutes deux témoignent à posteriori de l’immense tragédie, elles qui pourtant ne parlent pas vraiment de la guerre, mais surtout de leur quotidien et de leurs préoccupations de jeunes filles. On ne dira jamais assez combien c’est bouleversant.
Bernard Cassat