Dimanche 4 octobre, les calédoniens sont appelés pour la deuxième fois à voter POUR ou CONTRE l’indépendance, référendum prévu par les accords de Matignon signés il y a trente ans. C’est la même question qui est posé 2 ans après la première consultation, le 4 novembre 2018 :« Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? »
Le non avait alors obtenu une majorité nette mais le oui avait dépassé en pourcentage la population kanak autochtone. Un résultat jugé encourageant par les partis indépendantistes et décevant pour les loyalistes.
Réferendum 2018
Le nouveau scrutin s’annonce donc très incertain. Les élections provinciales qui se sont déroulées le 12 mai 2019 avec un corps électoral plus ouvert, a cependant confirmé la progression du vote indépendantiste. Mais les loyalistes ont conservé la majorité et consolidé leur position dans la province Sud, la plus peuplée des trois provinces de l’archipel. Les partisans d’une troisième voie n’ont pas réussi leur percée, laissant indépendantistes net loyalistes dos à dos.
La surprise est venue d’un nouveau parti « l’Éveil Océanien » qui représente la communauté wallisienne et futunienne. Après des hésitations, courtisé par les deux bords, ce nouveau parti communautariste qui a obtenu trois représentants au Congrès, ne donne pas de consigne de vote pour le référendum du 4 octobre 2020.
C’est donc bien dans cet « entre-deux » qu’il faudra chercher des explications au résultat qui s’affichera dimanche soir (le matin en France métropolitaine).
De l’avis de nombreux observateurs, les mentalités changent. La représentation d’une unité nationale calédonienne fait son chemin. La jeunesse née sur le caillou, quelle que soit son origine ethnique, s’approprie la défense environnementale de son territoire et revendique son identité calédonienne. Alors, doit-on s’attendre à une nouvelle progression du OUI ?
La Nouvelle-Calédonie s’engagerait sur la voie de l’indépendance !
A contre-courant de cet aphorisme, Isabelle Merle, historienne de la colonisation, directrice de recherche au CNRS et spécialiste de l’Océanie propose une autre vision : « Les derniers résultats électoraux, dit-elle, ont permis un rapport de forces qui offre à la Nouvelle-Calédonie un ordre social et politique équilibré ».
La forte représentativité du courant indépendantiste a contraint les loyalistes à des compromis pour s’engager vers un « destin commun » défini par Jean-Marie Tjibaou après la conclusion des accords de Matignon. Mais, sous la pression des réalités économiques et géopolitiques et des changements démographiques, ce destin commun qui devait conduire à la Kanaky indépendante pourrait cependant basculer dans l’autre camp. Le principe de réalité contredit le rêve nationaliste.
Alors, « Et si le OUI s’effondrait ! ajoute Isabelle Merle. Ce serait la fin de l’équilibre des forces en présence qui a permis la décolonisation pacifique du territoire. »
Un scénario que personne n’envisage encore. Ce nouveau référendum est pour elle, une étape encore décisive pour la Nouvelle-Calédonie que la vieille France ignore une fois de plus. Si le NON à l’indépendance, l’emporte, il y aura une autre consultation en 2022, prévue par les accords de Nouméa signés en 1998.
Avec la même question :« Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?
PV
Isabelle Merle, bibliographie :
L’indigénat. Génèse dans l’empire français. Pratiques en Nouvelle-Calédonie. CNRS Éditions, Paris, 2019 avec Adrian Muckle.
Expériences coloniales. La Nouvelle-Calédonie. 1853-1920, Anacharsis, Toulouse, 2020 (1ère édition, Belin, Paris, 1995)
Introduction à l’ouvrage d’Heinrich Zimmermann, Le dernier voyage de Cook, traduit de l’allemand par Christophe Lucchese. Suivi de Interpréter la mort de Cook : Les enquêtes de Marshall Salhins,. Les éditions Anarcharsis, Toulouse, 2019
Introduction à l’ouvrage de Watkin Tench, Expédition à Botany Bay. La fondation de l’Australie coloniale. Anacharsis, 2020, (1ère édition, Anacharsis, 2006)
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