Le mois d’octobre est dédié à la sensibilisation au dépistage du cancer du sein depuis 26 ans en France avec l’opération Octobre Rose. C’est aussi l’occasion de mettre un coup de projecteur sur une jeune association Les roses poudrées créée en 2018 à Orléans par deux femmes atteintes d’un cancer du sein et souhaitant aider les autres femmes. Entretien avec l’une de ses fondatrices, Valérie Legrand.
Valérie Legrand, présidente Roses Poudrées © Sandra Sanji
Je retrouve Valérie Legrand, petite femme brune et pétillante de 46 ans dans le salon cosy de sa maison située près de la Loire à Orléans. Confortablement installée sur son canapé, elle déroule tranquillement son histoire de vie avec pudeur et franchise, résolument optimiste mais sans rien cacher non plus du parcours du combattant qu’est aujourd’hui encore le cancer du sein (elle a eu un premier cancer du sein à 36 ans et un second à 43 ans).
Comment est née l’idée des Roses Poudrées ?
Valérie Legrand : Il y a eu d’abord une première journée Roses Poudrées le 31 octobre 2018, ici même dans mon salon et ma cuisine. Tout est parti de l’un de mes textes car pour être franche, octobre n’est pas un mois que j’aime. Je n’aime pas le côté marketing d’Octobre Rose à cause de cette vision légère du cancer du sein, tellement fuchsia, girly, et ce côté trop positif avec des messages “t’inquiète pas, ça se soigne” et des manifestations où l’on te demande d’aller courir alors que toi t’es en soins et tu ne peux pas courir.
Stéphanie Brunet et Valérie Legrand, fondatrices des Roses Poudrées © Stéphane Chaing
Donc pour moi c’est un mois compliqué depuis mon premier cancer. De plus, en octobre 2018 c’était la fin de ma grosse chimio (chimiothérapie). Je n’étais pas du tout en forme et j’ai écrit un texte qui s’appelle “pas si rose”. Et c’est en l’écrivant que je me suis dit “je vais me faire ma journée de rêve et elle sera beaucoup plus poudrée”. C’est venu comme ça, et pour concrétiser cette journée de rêve, j’ai fait appel à mes ami-e-s, une copine esthéticienne, une copine coiffeuse, un copain photographe. J’ai fait ça dans mon coin et via Facebook j’ai invité des femmes touchées par le cancer à venir partager cette journée chez moi. Bien sûr, ma grande amie Stéphanie était présente puisque nous avons eu notre premier cancer à un an d’intervalle et notre récidive à un an d’écart aussi mais on se connaissait avant.
Du coup, on a passé une journée extraordinaire dont Fanny (Stéphanie) est ressortie reboostée en me disant “c’est incroyable ton truc, j’en fais une le mois prochain à la maison”. Et c’est vrai, on a vu des femmes qui n’étaient pas en super forme au départ repartir pétillantes, lumineuses, pleines de tendresse et pliées de rire. Même moi, j’étais très fatiguée. Ce sont d’ailleurs mes deux ados qui ont tout organisé. Ils nous ont servi pendant toute la journée, on a pleuré, on a ri, et le soir j’étais dans une énergie positive incroyable.
Donc Fanny a fait une journée chez elle en décembre 2018, qui a eu le même effet. C’est une journée magique parce qu’on prend soin de nous. De plus, on n’est pas dans un lieu lié à la maladie, on peut parler de nous sans être obligées d’expliquer, on se comprend parce qu’il y a un vécu commun. On n’est plus toutes seules, on est ensemble et on est vraiment chouchoutées. On est maquillées avec des vrais soins, adaptés, puis prises en photo. Nous étions huit et par le biais de l’image, deux femmes ont redécouvert leur féminité ce jour là. Moi, je suis psychologue de formation et je me suis dit “cette journée c’est deux ans de thérapie en moins”.
Il faut comprendre que l’on est quand même sacrément cabossées par les traitements et la chirurgie. En plus on perd ses cheveux, ses sourcils et ses cils…et là on découvre qu’ il y a plein de techniques de maquillage qui nous permettent de rester féminines tout simplement. Nous étions coquettes avant et on a envie de le rester pendant. Et puis ça créée des liens puisque des femmes sont restées copines depuis ce jour-là. Et contrairement à Paris où il y a plein de choses, on se rend compte qu’à Orléans où à Candes-Saint-Martin (37) où habite Fanny, il n’y a rien pour nous et du coup Fanny a dû refuser du monde tellement il y avait de demandes.
Pourquoi avez-vous ressenti le besoin de créer une association ensuite ?
Carte postale les Roses Poudrées © HISSEZHAUT
V.L. : Début janvier 2019, Fanny m’a dit “écoute Valou, il faut qu’on en fasse quelque chose, tu as créé un concept. Ça répond à un besoin”. Il faut dire que Fanny s’est reconvertie, elle est aujourd’hui socio-esthéticienne donc elle a vu tout de suite l’intérêt d’une telle démarche. Toutefois, je n’ai pas eu une réaction très positive et je lui ai répondu “Ce concept, je te l’offre car moi je ne veux pas rester dans la maladie. Je veux la vivre comme la première fois, j’ouvre une parenthèse, je la referme et je retourne au boulot”. Mais elle m’ a dit “non je créerais autre chose, les journées roses poudrées ça t’appartient”. Et de fait, je ne pense pas que ce soit un hasard, j’avais un rendez-vous avec mon oncologue fin janvier. Ce dernier m’a alors expliqué que je ne fermerai jamais la parenthèse.
J’ai encaissé le coup et j’ai appelé Fanny pour lui dire que j’étais d’accord pour créer l’association. En février on a construit le projet et le 1er mars on a officialisé nos journées, en les élargissant face aux nombreuses demandes par de petits ateliers soins des mains, réflexologie…Des choses un peu plus courtes, sur une demi-journée, avec un seul partenaire. Mais avant tout notre souci est de briser l’isolement de ces femmes. En fait, tu vois le réflexologue, tu manges des viennoiseries, tu bois un petit café et en attendant ton tour, tu partages ton expérience, tu échanges de bonnes adresses, ça a un petit côté réunion Tupperware (sourire). Être chouchoutées et être ensemble, c’est vraiment primordial.
Il y avait aussi l’idée d’intervenir dans les cliniques ?
V.L. : En fait, on a été très surprises car la demande est venue des cliniques mais moi je n’étais pas forcément favorable. Je disais “mais non, on va être dans le lieu de la maladie, c’est nul de rester dans ce lieu de traitements”. Sauf qu’en fait, ce qui est incroyable c’est que du coup on a accès à des femmes qui sinon ne viendraient pas. La clinique Oréliance (Saran) a été le dernier événement des Roses Poudrées puisqu’après il y a eu le confinement.
Justement, comment avez-vous vécu le confinement ?
V.L. : Bien sûr, ça a été compliqué. On s’est tout de suite demandé comment on allait faire pour que ces femmes ne se sentent pas isolées et puis nous voulions continuer à les chouchouter. Du coup, on a beaucoup activé le groupe WhatsApp avec une petite recette chaque jour, histoire de dire “coucou, on est là !” On a eu plein de petits messages très positifs. Et puis on a réussi à leur faire des petits cadeaux mais on ne refait pas d’événements pour le moment, c’est encore trop risqué.
En revanche, vous faites des expositions photos, dans quel but ?
Valérie Legrand, expo Roses Poudrées © Stéphane Chaing
V.L. : En octobre, ce sera notre deuxième exposition. La première c’est Fanny qui en a eu l’idée. Quand elle a commencé à voir les tableaux, puisqu’il s’agit de photos imprimées sur toile, et surtout leur quantité, elle a dit “il faut que l’on montre aux gens l’importance de ce que l’on fait en montant une expo itinérante”. Notre premier événement a donc eu lieu en septembre 2019 à l’abbaye de Fontevraud. Une énorme manifestation où l’on a invité toutes nos roses à une visite guidée privée de l’abbaye en VIP, et puis après vernissage de l’exposition en présence de 130 personnes. Côté photos, il y avait un peu de tout puisqu’à chaque fois, on fait appel à des photographes différents. Cette exposition a eu un grand succès, elle a beaucoup voyagé et elle est encore visible du 13 octobre au 7 novembre à la médiathèque de Meug-sur-Loire.
En revanche la nouvelle expo est plus construite avec uniquement des clichés en noir et blanc et le fil conducteur ce sont mes textes puisque pour Fanny, il faut que les sourires soient contrebalancés avec de la réalité et pour elle mes écrits sont de l’émotion et de la réalité. Elle a donc choisi dix textes de mon blog pour faire passer les vrais messages. Car le cancer n’est pas que rose, c’est pas qu’au mois d’octobre. Il y a de la solitude et aussi beaucoup de questionnements. Donc il faut faire connaître l’association et les roses poudrées, les femmes touchées par un cancer et qui ont des besoins. On les rend belles, on leur fait du bien mais il ne faut jamais oublier que leur vie, ce n’est pas que ça.
Propos recueillis par Sophie Deschamps
Tout l’actualité des Roses Poudrées est à retrouver pour l’instant sur leur page Facebook, leur site étant en cours d’élaboration.