La tomate, fruit « roi » de la Bourdaisière

Utilisée comme légume, la tomate est pourtant un fruit ! Le premier consommé d’ailleurs en France et le deuxième dans le monde. Partisan du bio et des vraies saveurs, Louis Albert de Broglie, alias le « Prince Jardinier », l’a hissée dans son panthéon de la Bourdaisière (Indre-et-Loire) au cœur d’un conservatoire unique de 700 variétés différentes. Farcie, à la provençale, en gratin, en sauce ou en gaspacho… focus sur cette star de l’été.

Chaque année, le Prince Jardinier met la tomate à l’honneur dans un Festival unique. ©EB

Louis Albert de Broglie, c’est le « prince » aux pieds nus. Celui qui fait fi des convenances et arpente les 55 hectares de son domaine sans chaussures pour être au plus près de la terre nourricière. Celui qui va de bon matin, panier sous le bras, cueillir des tomates dans son conservatoire et couper quelques brins de persil plat, basilic, livèche, mais aussi du fenouil et du chou pour préparer une savoureuse salade à l’huile d’olive. Celui qui, depuis 22 ans, réunit chaque année entre 7 000 et 8 000 visiteurs sur un week-end autour d’un Festival unique, celui de la Solanum lycopersicum, la tomate.

« 36 000 variétés dans le monde ! Un patrimoine vivant universel méconnu et l’ambition des semenciers de contrôler le marché, annonce le “Prince Jardinier” à la presse. J’ai donc décidé de promouvoir cette biodiversité. Et alors qu’en 1995, on commence à se préoccuper de la malbouffe, l’idée que la tomate peut être de couleurs, de formes et de goûts différents s’oppose aux idées reçues… » 

Aussi, dès le rachat avec son frère du domaine de la Bourdaisière en 1991, Louis Albert de Broglie y plante tout de suite des variétés anciennes de tomates pour créer progressivement une collection qui sera agréée par le CCVS (Conservatoire des Collections végétales spécialisées) en 1998. Une collection de graines rapportées d’Inde, mais aussi commandées chez Kokopelli, Philippe Desbrosses (pionnier de l’agriculture bio en France), sur des catalogues au Canada, aux Etats-Unis… « Des graines qui arrivaient dans des journaux mouillés », se souvient-il.

15kg de tomates consommés par hab./an

Le Conservatoire de la Bourdaisière regroupe pas moins de 700 variétés de tomate. ©EB

Vertes, jaunes, orange, noires… Rondes, striées, oblongues, cylindriques, en cœur, en poire… Sucrées, salées, amères… Aux noms des plus exotiques : Ananas, German Strike, Verna, Green zebra, Eros, Money makers… Qui connaît vraiment la la tomate en dehors des quelques variétés les plus connues en France : marmande, grappe, cerise, cœur de bœuf, olivette… ? 

Premier « fruit-légume » consommé en France (15 kg par hab./an – 698 847 tonnes produites en 2019 selon Agreste) et deuxième dans le monde après la pomme de terre (4 000 kg produits dans le monde chaque seconde selon Conso Globe), la tomate est arrivée tardivement dans nos foyers. Découverte à l’origine au XVIe siècle par les conquistadors, elle nous vient du Pérou et du Mexique. Utilisée comme plante d’ornement, elle suscitera jusqu’au XVIIIe siècle les pires méfiances : « les botanistes l’apparentent aux Solanacées, faisant d’elle une lointaine cousine de la mandragore, la racine des sorcières… Elle est toxique, voire dangereuse, apparaît même au pied des gibets… », raconte Louis Albert de Broglie.

Si elle se consomme aux États-Unis dès 1830, elle n‘arrivera dans les assiettes qu’au début du XXe. Aujourd’hui produites sous serres à longueur d’année, les tomates n’ont plus le goût des pleins champs de nos grands-parents. « Il faut retrouver le plaisir de croquer dans une vraie tomate, savoureuse et charnue, qui met du jus plein les doigts. La Bourdaisière représente cet engagement à préserver ces trésors de la nature et à les faire connaître ». Une démarche qui, depuis 15 ans, motive petits producteurs et semenciers qui tentent un retour aux sources.

Tutorages en tipi uniques

Louis Albert de Broglie, Pince aux pieds nus, et Nicolas Toutain, chef jardinier. ©EB

C’est en se délectant d’un jus frais sorti tout droit du Bar à Tomates du Conservatoire, que nous voici tout au plaisir d’une balade entre d’immenses carrées plantés. « Le tutorage en tipi est ici unique, décrit Nicolas Toutain, le chef jardinier du conservatoire. Esthétique, il permet aussi d’avoir des plants denses, vigoureux, sans prises au vent ». Nourrissant les visiteurs d’astuces et de conseils sur la culture des tomates – « tailler pour avoir des fruits plus gros et plus vite à maturité, garder les feuilles qui sont au-dessus des fruits, bien arroser jusqu’à 30 cm de profondeur »… – Nicolas Toutain rassure sur la peste brune qui ont ravagé des productions entières au printemps. « Ici, pas d’inquiétude, pas de virus, des échantillons ont été analysés. En même temps, il faut éviter de se fournir en plants venant de l’extérieur, il faut les faire soi-même, comme ici ».

La Bourdaisière, un fichier Open source

Au-delà du rôle pédagogique du Conservatoire et de son apport en connaissances, Louis Albert de Broglie voit plus loin, dans une globalité environnementale et innovante : rachat de Deyrolle en 2007 et relance des planches pédagogiques pour sensibiliser à la préservation de la planète, co-création de Fermes d’avenir (agroforesterie, permaculture, agro-économie) avec l’aménagement d’une micro ferme à la Bourdaisière, étude du 9e quartier de Versailles, dessin d’un jardin potager à l’UNESCO, et le Tomato Lab, incubateur de projets autour de la tomate. « La crise sanitaire nous a rappelé à quel point il faut être bien nourri. Le jardin doit être nourricier, c’est un acte politique et social. En cela, la Bourdaisière est fichier Open source, un laboratoire qui doit être reproductible et qui montre qu’une petite graine de tomate peut nous mener très loin. »

Estelle Boutheloup

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