Méthanisation : quand les agriculteurs carburent au vert

La méthanisation est l’un des temps forts de la Climagrifood (Open Agrifood) à Orléans. ©EB

Avec « Climagrifood », l’édition 2020 de l’Open Agrifood compte bien prouver que le monde paysan s’implique dans la lutte contre le réchauffement climatique. Entre ferme pédagogique, conservation des sols, agroforesterie, captation du carbone par les plantes, la méthanisation s’expose et s’explique encore tout ce week-end à Orléans.  

L’apparence est trompeuse mais non, ce n’est pas une yourte qui campe Place de la Loire dans le centre-ville d’Orléans ! Indices : une vache et un hashtag #leGazVertLavenir. 6 m de diamètre, tout en bois et chapeauté d’une bâche verte, c’est un méthaniseur, quasiment grandeur nature, qui nous invite à comprendre ce qu’est la production de gaz « vert », énergie renouvelable non fossile, et comment ça marche. 

Lutter contre le changement climatique

En pratiquant l’agroforesterie, les agriculteurs réduisent l’érosion des sols. ©EB

Procédé biologique naturel de fermentation de matières organiques, la méthanisation est une affaire d’industriels, de collectivités et surtout d’agriculteurs (cultivateurs, éleveurs…) qui souhaitent s’impliquer dans la transition énergétique en valorisant leurs déchets et réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. « L’agriculture a sa part dans le changement climatique tout comme le consommateur, lance en conférence de presse, Laurent Lejars, chargé de mission « Innovation » à la Chambre d’Agriculture du Loiret. La méthanisation résout une petite partie du problème énergétique ».

Comment ça marche ? Très simple. Des déjections d’élevage, des résidus de cultures, des déchets de légumes, de fruits, de tonte, certaines graisses…, issus de l’agriculture, de l’industrie agroalimentaire et des métropoles, sont stockés dans une fosse semi enterrée. En absence d’oxygène (anaérobie) et sous l’effet de la chaleur, ils vont fermenter et se transformer grâce aux bactéries d’un côté en méthane (le fameux CH4…), alias le biogaz, de l’autre en résidu, le digestat, réutilisé comme fertilisant pour les cultures.

Le biogaz, quant à lui, une fois capté peut servir à la cogénération (production d’électricité et de chaleur), à alimenter une chaudière, servir de carburant (bioGNV), ou être injecté dans le réseau de gaz naturel (biométhane) et vendu à un fournisseur de gaz (entre 64 et 139 €/MWh). « Les agriculteurs permettent de révolutionner la filière gazière, explique Christelle Rougebief, Directrice Clients Territoires GRDF Centre-Ouest. Le gaz naturel était 100% importé et fossile. Aujourd’hui, on sait produire un gaz local à partir de nos déchets agricoles et alimentaires pour un usage final destiné à l’industrie, le monde agricole, les particuliers… C’est un vrai sujet de territoire et une grande dynamique s’est installée dans la région Centre-Val de Loire ».

Des installations qui se développent

L’unité de méthanisation «Agriberry Energie » de Plaimpied-Givaudins (Cher). GRDF @Thierry Martrou.

En effet, avec une multiplication par 10 en 6 ans de projets pour l’injection, la région compte aujourd’hui 38 installations (cogénération et injection) et 76 projets sont à l’étude. « Soit 5 % des projets en national, la France enregistrant 750 méthaniseurs sur le territoire, comparativement l’Allemagne en compte 8000 !, poursuit Laurent Lejars. En région, l’objectif est de passé de 2,5 TWh/an à 21 TWh en 2030. Sachant que sur la Métropole d’Orléans par exemple, il y a plus de 450 000 t. de déchets méthanisables avec les cantines, station d’épuration, l’industrie agroalimentaire et l’agriculture périurbaine ».  

Parmi ceux qui se sont lancés dans l’aventure, Thibault Lecomte. Cet agriculteur du Cher gère, avec 8 autres associés, l’unité « Agriberry Energie » à Plaimpied-Givaudins. « Le monde agricole a une fonction nourricière mais il doit aussi participer à la transition énergétique. Nous avions déjà installé du photovoltaïque sur l’exploitation, c’est un pas de plus vers la diversification des énergies renouvelables ». Une unité de méthanisation de 3,8 millions d’euros qui fonctionne depuis 2018 et produit quelque 27 GWh de gaz vert par an, soit la consommation de gaz annuelle de 2 250 logements ou 105 bus roulant au BioGNV. « En 2016, démarrer un projet dans une filière peu connue était un gros challenge financier. Les banques n’avaient pas de recul ni de retour d’expérience comme aujourd’hui ». 

Un outil vertueux d’économie circulaire et d’indépendance énergétique, qui devrait générer jusqu’à 100 000 emplois non délocalisables en France d’ici 2030 selon le Syndicat des Énergies Renouvelables. De quoi aider la filière à sortir de l’agribashing.

Estelle Boutheloup

Photo de Une/GRDF @Thierry Martrou (tous droits cédés pour communication interne et externe)

Bon à savoir !

Avec 15 000 t. de déchets traités par an, un méthaniseur chauffe 500 maisons ou alimente 60 bus en carburant.

1 KWh de biométhane injecté dans le réseau évite le rejet de 200 g. de CO2.

(Source ADEME, La Méthanisation en 10 questions)

 

 

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