Devenu maire, et président de la communauté de communes “la Sologne des Rivières”, sans anicroche, à Salbris, au début de l’été, Alexandre Avril est un jeune édile sans étiquette mais plein d’idée. Il veut redonner au chef lieu de canton son aura des temps passés. Voilà quelques jours, à l’occasion du pèlerinage en calèche M de Marie, l’élu a peut-être commencé à dévoiler ses projets d’avenir.
La page Facebook est bien celle de l’élu, non du simple citoyen
Alexandre Avril, chemise blanche légèrement déboutonnée, pantalon sombre, masque de rigueur, porteur de la statue de Notre Dame de France entre solennellement, avec son fardeau, dans l’église de Salbris tandis que résonne le son des cors de chasse. Sur la page Facebook « Alexandre Avril, maire de Salbris » défilent les images. Le commentaire personnel du nouveau premier magistrat de la commune de Sologne précise que c’est bien l’élu qui œuvre et pas seulement le croyant. « Renouant avec des traditions séculaires, nous avons accueilli hier et aujourd’hui le passage d’un pèlerinage marial à Salbris, le « M de Marie ». Une traversée de la France de plus de 3 000 kilomètres, qui passait par chez nous ! Un événement national de grande ampleur que nous étions honorés de recevoir et d’escorter sur le territoire communal. »
Un petit film qui, intégré sur la page d’Alexandre Avril, n’aurait probablement pas eu de répercussions. En revanche, sur la page du maire, il en a été tout autrement. Quelques inconditionnels de la laïcité se sont ainsi offusqués tandis que les supporters du maire se sont appliqués à victimiser l’élu solognot. Magcentre a aussi reçu ce commentaire : « J’attends les cris d’orfraie quand un maire musulman de France se permettra de tels écarts avec la loi de 1905. »
Un net soutien de la Droite régionale…
Pourtant, si on y regarde de plus près, la communion entre le jeune maire et une vision spirituelle de la société ne date pas d’hier. Surtout si on retrouve tous les « amis » disparus de son réseau social préféré, Facebook. Ils sont nombreux les amoureux des feux de camps et des veillées façon scout, un soir d’équinoxe, tombés sous le coup d’un nettoyage efficace avant le premier tour des élections. Même Erik Tégner, défenseur de «l’union des droites», n’est plus un ami…
Lissé, le parcours du candidat Avril (voir encadré) ne pouvait que séduire en cette terre de Sologne généralement située à droite de l’échiquier politique. Dans un contexte favorable, même après quelques erreurs de jeunesse en politique, le soutien de pointures régionales LR comme Nicolas Perruchot, président du Conseil départemental, le député de Loir-et-Cher, Guillaume Peltier, le maire de la commune de Lamotte-Beuvron, Pascal Bioulac, et Constance de Pelichy, Maire de la Ferté-St-Aubin dans le Loiret était largement suffisant pour conquérir la mairie de Salbris, et dans la foulée, la communauté de communes…
Un parcours hors norme
Mais qui est donc ce drôle de paroissien maire de Salbris qui n’applique pas vraiment les recommandations de L’AMF (Association des Maires de France) qui invite les élus à « adopter une attitude personnelle neutre et laïque dans l’exercice de leurs fonctions », et leur demande d’apporter « la forme de respect qu’ils souhaitent lorsqu’’ls pénètrent dans un édifice cultuel »?
Malgré ses 28 ans, son parcours est exceptionnel. C’est tout d’abord un salbrisien de souche, érudit, né en avril 1992. Il affiche un cursus universitaire impressionnant : Normale sup et HEC en simultanée (2013-2017), Maîtrise de Droit à Panthéon-Sorbonne (2015-2016), Licence de droit à Panthéon-Assas (2013-2015), Master de recherche de métaphysique et phénoménologie (2013-2015) et Hypokâgne-Kâgne A/L, à Henri IV (2010-2013) et une Thèse de doctorat en philosophie, sous la direction de Paolo D’Iorio depuis septembre 2017… Il se présente lui-même sous Linkedln comme « Ancien élève de l’École normale supérieure et d’HEC Paris, je me suis engagé dans le développement des territoires français au travers d’HEXAG’ON, cabinet pionnier en matière d’accompagnement des collectivités et des entreprises dans leurs stratégies d’intelligence territoriale. Je suis particulièrement investi dans la vie locale, à Salbris, au cœur de la Sologne. Je poursuis parallèlement des recherches en philosophie à l’école doctorale de l’ENS et au CNRS, et contribue à diverses revues. » Outre le français, il titille quatre autres langues vivantes, tant de manière professionnelle limitée (Allemand, Italien) que complète (Anglais), ou avec des notions élémentaires en Russe. À cela on peut ajouter le Latin…
Ce parcours est complété par des expériences professionnelles, dans le même temps, toutes aussi remarquables : chercheur doctorant assistant de recherche à partir de 2017, à Normale Sup, assistant de recherche auprès de Mgr Bousquet, à l’Institut français ( 2015-2017), analyste financier (avril à septembre 2016), stagiaire auprès de l’ambassadeur de France aux nations unies à Rome (juin 2015 à septembre 2015), collaborateur parlementaire au sénat (2012-2013) et créateur-associé de la start-up d’intelligence territoriale HEXAG’ON.
Et tout ça avec des journées de 24 heures seulement…
Oublié l’article de la Nouvelle République du Loir-et-Cher qui, par exemple, l’avait épinglé au début de la campagne pour avoir profité du système de « sponsoring » proposé par le réseau social Facebook pour mettre en avant, entre autres, ses co-listiers. Pratique qui entre dans le champ de l’article L.52-1 du code électoral.
Oublié la photographie, sur la page Facebook du ci-devant candidat, de la couverture du livre Le dictionnaire des populismes, sur fond de blason de Salbris, accompagné d’une page titrée Les auteurs où plusieurs « écrivains », dont Alexandre Avril, apparaissent. Une mise en avant qui pourrait laisser croire que l’ouvrage a été écrit à six mains. Petit hic, ils sont 107 « auteurs », de 12 nationalités différentes, à avoir participé à ce dictionnaire à travers 263 notices…
Oublié l’approximation d’Alexandre Avril quant au nombre de normaliens solognots, deux seulement : Maurice Genevoix et lui-même. Il semble que d’autres Salbrisiens soient bel et bien passés, avant lui, par l’École Normale Supérieure, même si l’on considère que l’auteur de Raboliot est né à Decize et n’a passé que quelques semaines en Sologne, à Brinon-sur-Sauldre.
Si l’été salbrisien a été placé sous les auspices d’un Panem et circenses solognot – guinguette, concert, et vide-grenier – il a connu aussi un premier accroc avec un début de lever de bouclier contre la destruction de la fresque de Chanoir (https://www.magcentre.fr/200096-quand-tombent-lart-urbain-et-les-graffs/ ).
Voilà donc un deuxième accroc, moins laïque, pour l’élu qui fait ses classes en attendant une prochaine opportunité politique. En 2021, peut-être…
Fabrice Simoes