Moulin de St Arnoult en Yvelines : Un asile de fraîcheur pour Louis Aragon, Elsa Triolet….et le visiteur !

Saint-Arnoult-en-Yvelines n’est pas célèbre que pour son péage ! À quelques minutes de l’autoroute, se trouve un havre de verdure et de paix que l’on doit à deux illustres écrivains du XXe siècle : Louis Aragon (1897-1982) et Elsa Triolet (1896-1970).

 

Moulin et parc de la Villeneuve, Saint Arnoult en Yvelines ©AC Chapuis

Ce couple mythique d’écrivains engagés avait souhaité posséder « un petit coin de terre en France ». Ils ont acheté ce moulin du XIIe siècle et en ont fait leur dernière demeure au sens figuré comme au sens propre puisque après y avoir vécu ensemble plus de 20 ans, ils y reposent, enterrés sous les grands arbres du parc. Une belle histoire d’amour.

Deux espaces à découvrir

Le lieu est accueillant, comme il l’était du temps de ses occupants qui aimaient y recevoir leurs amis, et s’offre à la visite qui se déroule en deux temps. À l’extérieur d’abord, le parc de six hectares, avec ses grands arbres et la fraîcheur de la Rémarde, petite rivière qui coule tout au long de l’espace et alimente toujours l’ancien moulin. C’est aussi un lieu d’exposition d’art contemporain, domaine cher aux écrivains et que les actuels membres de l’association gestionnaire ont tenu à perpétuer. Puis à l’intérieur, c’est le moulin et la vie de Louis Aragon, le « fou d’Elsa » et celle d’Elsa Triolet, moins connue que son illustre compagnon et dont on découvre toute la richesse.

 

Le moulin, lieu mythique d’Aragon/Triolet © AC Chapuis

Elsa Triolet, une grande dame méconnue

C’est peut-être là la plus grande découverte de la visite : la personnalité d’Elsa Triolet, cette femme d’origine russe, mariée deux fois avant de rencontrer Louis Aragon en 1928, prix Goncourt en 1944 (attribué pour la première fois à une femme). On découvre ses nombreux savoir-faire. Elle, qui a été longtemps assignée au rang de muse (« Être célébrée, c’est être emprisonnée », dit Erik Orsenna, l’actuel président de l’association du Moulin se St Arnoult), a un parcours de résistante, d’écrivaine, de traductrice franco-russe, d’architecte et même de créatrice de bijoux dont on peut admirer quelques spécimens, sur sa table, dans la chambre du couple.

Le moulin acheté en 1951

Le moulin a gardé tout son charme et est identique à ce qu’il était du temps d’Elsa Triolet et de Louis Aragon. L’eau y coule toujours, comme une allégorie de l’écrivain, habité par le décours de ses histoires, et elle traverse l’habitation, s’invitant au salon parmi les invités.

On voit la cuisine, avec ses carreaux de Delft et son confort moderne pour l’époque, le salon/séjour décoré par Elsa Triolet avec les nombreux souvenirs d’une vie aux multiples contacts, la chambre, et les deux bureaux. Pas de mise en scène, les bureaux sont dans l’état où les occupants les ont laissés, Elsa en 1970, Aragon en 1982. Celui d’Aragon est au rez-de-chaussée, sobre, spacieux, cossu. Celui de sa compagne est au premier étage, vue sur parc, empli de ses souvenirs de Russie ou de Tahiti où elle a vécu plusieurs années.

Partout, des livres, dans chaque bureau, dans le séjour, dans les couloirs, la mezzanine…et même dans un placard dérobé annoncé comme le « placard à somnifères » d’Elsa : il contient une impressionnante collection de polars de la Série Noire, qu’elle dévorait lors de ses insomnies.

La bibliothèque, accessible sur demande aux chercheurs ou étudiants, comporte un fond de 30 000 ouvrages. Nous sommes bien chez des écrivains !

Une présence vivante et sensible

Louis Aragon et Elsa triolet sont là. Leur souvenir accompagne le visiteur tout au long des lieux qu’ils ont fréquentés, où ils ont écrit, se sont retrouvés en dehors des frénésies parisiennes, ont reçu leurs amis des plus illustres. Citons, entre autres, Fernand Léger, Pablo Picasso, Pablo Neruda, Edmonde Charles-Roux, François Nourrissier… L’on ressent leur présence, l’on partage leur vie d’intellectuels engagés mais aussi d’hédonistes passionnés, l’on suit avec eux les événements de leur histoire, laquelle fait résonner l’histoire de ce vingtième siècle à la fois si proche et si lointain.

Leurs combats n’ont pas pris une ride, leurs idées perdurent à travers leurs écrits, leurs engagements et prises de position sont toujours d’actualité… les poèmes d’Aragon nous sont familiers avec les voix de Léo Ferré, Georges Brassens ou Jean Ferrat.

 

L’entrée du parc. ©AC Chapuis

Tous deux reposent dans le parc, selon leur volonté, et à un endroit choisi par Elsa Triolet qui souhaitait voir « deux êtres entre les deux hêtres »

Une étape à recommander dans le circuit des « Maisons d’écrivains » qui ont une âme, témoignent d’une présence et font perdurer des idées. Une belle rencontre dont on sort en fredonnant les vers célèbres d’Aragon : « Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre » ou « Heureux celui qui meurt d’aimer ».

Anne-Cécile Chapuis

 

Commentaires

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  1. Article à retenir sur les maisons d’écrivains dans notre région. On retrouve avec émoi ces deux grands écrivains marquants de leur époque. Leur dernier lieu de vie, où le visiteur ressent la paix de ce bel endroit, est parfaitement décrit dans ce commentaire, et on a qu’une envie, se précipiter pour visiter le moulin, le parc et les annexes.

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