Un bon vieux capot pour vous donner l’envie d’y revenir…

« Un bon vieux capot, rien de tel pour vous donner envie d’y revenir », ainsi parlait récemment un pêcheur du Cher qui était rentré bredouille de sa partie de pêche. Chez les pêcheurs et pas seulement du Val de Loire on ne rentre pas bredouille mais capot. D’où vient cette expression également utilisée par les joueurs de carte ? Nous ne savons pas et nous n’en ferons pas ce jour la recherche. Mais du capot à la pêche et aux poissons il n’y a qu’un pas que l’un de nos lecteurs, Jacques Baillon, nous a aidé à franchir. Ce grand amoureux de la faune Loirétaine nous a parlé avec passion du peuple aquatique qui nous côtoie sans que nous songions à lui .Les poissons ont une vie intense, des mœurs, des goûts, des détestations , des défenses, de l’humour et de la fantaisie, autant de particularités que dans l’ensemble nous ignorons.

Des siècles avant le nôtre, des naturalistes se sont intéressés à ces habitants de nos rivières, les ont étudiés et ont consigné leurs observations. Le comte tourangeau, Raoul Croy établit en 1838 à vingt-cinq espèces les poissons qui fréquentent la Loire et ses affluents : Ils ont des « mœurs et des habitudes variées, les uns indigènes, les autres voyageurs, tous curieux à étudier et à suivre, tant leur instinct est différent et leur histoire pas connue jusqu’à ce jour ».

Puis il les énumère « pour les voyageurs, le saumon, l’alose, la lamproie, la lotte, le mulet et la plie…. Pour les indigènes le brochet, la tanche, la brème sont assez communs. Le goujon et l’ablette le sont encore plus, car ils ont à redouter des adversaires bien autrement affamés et voraces, les délégués des pêches fluviales au profit de l’Etat. Quant au lamprillon, au gardon, à la vandoise, au chabot, à la loche, aux verrons et aux pinoches, ce sont, malgré leurs noms pompeux, autant de faibles et craintives créatures, se cachant dans les nombreux détours des ruisseaux, vivant dans les plantes aquatiques, comme les oiseaux, au travers de la mousse de nos vieux arbres et d’ordinaire jouissant d’une existence douce et tranquille ».

De nos jours, il lui faudrait ajouter le silure, gros carnassier qui a débarqué en Loiret dans le canal d’Orléans où il a dévoré les canetons et les petits des poules d’eau. Nous ne pouvons en une seule fois étudier de près une population aussi diverse, aussi passionnante. Notre choix s’est porté sur les aloses, les cigognes des mers et des fleuves.

Les aloses accourent au son du violon

Au XVIIIe siècle, du temps du naturaliste Jacques Valmont de Vomare, la Loire est considérée comme le fleuve le plus riche en aloses Après un grand passage à vide du à la pollution de nos rivières on peut en dire autant de nos jours. Nos cours d’eau assainis ont apprécié le retour massif de leurs habitants à nageoires.

En 1791, ce naturaliste écrivait dans son « Dictionnaire raisonné d’histoire naturelle » au sujet des aloses « ces poissons vont en grandes troupes, en nageant à fleur d’eau, montrant leurs nageoires dorsales et en poussant, dit-on, un certain grognement sourd, pareil à celui d’un troupeau de pourceaux. Rondelet (autre naturaliste de ce temps) déclare avoir vu des aloses sensibles à l’harmonie, surtout pendant la nuit. Elles accouraient au son du violon et sautaient en nageant à la surface de l’eau. Une alose, dit-on, craint tellement le bruit du tonnerre, qu’elle en périt quelquefois d’effroi ».

Qu’en disent nos pêcheurs actuels qui reviennent à l’occasion capots, qui parfois se livrent à la pêche sportive et remettent leurs prises à l’eau après les avoir admirées et prises en photos ou qui cherchent à remplir leur panier ? En langage contemporain, à peu près les mêmes choses avec en plus une description. La robe de l’alose (mais oui on parle de robe pour les poissons comme pour les animaux terrestres) arbore de magnifiques reflets métallisés bleus, mauves et verts, contrastant avec le blanc nacré de son ventre. Adulte, entre les âges de 3 à 8 ans, une grande alose mesure, en moyenne de 50 à 60 cm pour 1,4 à 1,8 kg. Les femelles sont plus grandes que les mâles. Lorsqu’en mars, les aloses quittent la mer, c’est pour rallier le fleuve ou la rivière où elles sont nées. Certaines d’entre elles accomplissent 600 km jusqu’aux zones spécifiques où elles frayent. La période de reproduction s’ouvre à la mi-mai pour s’achever à la mi-août. La ponte est nocturne et très bruyante.

L’alose effectue une danse nuptiale pour le moins tapageuse et aux sons très caractéristiques. Ce phénomène est appelé « bull » par les spécialistes. Ils profitent d’ailleurs de ce moment pour installer un dispositif d’enregistrement à proximité immédiate des frayères afin de compter le nombre d’individus présents. Les femelles, très fécondes, pondent entre 100 000 et 250 000 œufs. La plupart des adultes meurent après avoir rempli leur rôle de géniteur. Après 4 à 8 jours d’incubation, et à condition que l’eau fasse 17 °C, les œufs éclosent. Les alésons se mêlent alors aux ablettes, restant aux abords des frayères, le temps d’être suffisamment grands pour entamer, en banc, leur migration vers la mer, à la fin de l’été et au début de l’automne. La descente dure de trois à six mois.

Quand l’alose se met à table

On pense peu au poisson de rivière lorsqu’on parle gastronomie et pourtant. Jacques Valmont de Vomare estimait les poissons d’eau douce en gourmet et particulièrement l’alose. Il écrivait « une alose bien fraîche et prise loin de la mer est un poisson délicieux qui se sert sur les tables les plus délicates ». Sur les bords de Loire on cuisine son dos charnu au beurre blanc Des pêcheurs professionnels qui louent à l’Etat un morceau de rivière s’emploient à faire connaître ces poissons et les meilleures façons de les travailler. C’est le cas entre Jargeau et Sully sur Loire dans l’Indre -et- Loire et aussi dans le secteur d’Angers.

F.C.

Le livre de Jacques Baillon est disponible: https://www.thebookedition.com/fr/hommes-et-betes-d-antan-p-368231.html

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