Leïla Martial, un chant très très chaud

En plein confinement, Leïla Martial a sorti un CD absolument époustouflant, Warm Canto, avec ses acolytes de Baa Box, Pierre Tereygeol à la guitare acoustique et la voix, et Eric Perez à la batterie et voix. Grand voyage dans une musique totalement aérienne, entre polyphonies pygmées et jeux de bouche.

Baa Box dans son univers

Leïla Martial, une fille du sud-ouest, improvise sa vie. Elle essaie absolument tout depuis toujours, elle fait le clown (d’ailleurs, un cycle de trois morceaux dans le cd raconte un clown), elle chante, elle rit. Avec de solides bases musicales, elle a fait un petit passage à Marciac comme élève, qui lui a révélé ce qu’elle faisait déjà, l’improvisation. Et puis elle a travaillé tout cela, mais sans oublier son savoir-faire instinctif. Elle a écouté toutes les musiques du monde, traditionnelles, tsiganes, africaines. Elle a pris partout, emmagasiné.

Et beaucoup redonné. Warm Canto doit être son dixième album. Son « amuse bouche », premier morceau du cd, place immédiatement son travail comme un nouveau scat, un jeu de voix sans paroles qui en fait un instrument parmi les autres. Elle dit parfois des mots, on entend des langues indéfinissables. On comprend, parce que le sens est dans le timbre, dans la modulation, dans l’éclat ou la complainte, dans le souffle court ou au contraire prolongé. Une autre histoire que celle des mots, une histoire de musique. « Forget and be » est en ce sens extraordinaire : sans doute en anglais, mais surtout en douceur, en teintes, en nuages qui passent, en confidences murmurées. Ou bien, dans « Nuit pygmée », elle retrouve la puissance des polyphonie de ce petit peuple, ces lignes musicales qui ne sont jamais au même niveau, qui se tournent autour, s’entrelacent, se courent après avec des sons de forêt vierge pour s’arréter ensemble, d’un accord commun.

Le travail remarquable de ses deux complices structure avec intelligence cet élan vocal. La guitare acoustique de Pierre Tereygeol, au registre assez large, du rock aux envolées espagnoles, apporte de la chair aux mélodies et permet à la voix de dialoguer avec un autre instrument. Quant à Eric Perez, il amène une énergie et une puissance qui démultiplie l’effet (« Petit temps volé », par exemple) non seulement à la batterie, mais avec des bruitages appropriés. Tous les trois chantent, tous les trois utilisent des percussions pour créer des bruits d’ambiance.

Warm Canto est un travail original et passionnant, d’une grande complexité musicale cachée par une énergie instinctive. Sa beauté, notion tout à fait relative, sera certainement partagée par le plus grand nombre…

BC