Dans un ouvrage paru il y a déjà dix ans et intitulé “La politique confisquée”, David Guéranger et Fabien Desage, maître de conférence en sciences politiques à l’Université de Lille, décrivaient concrètement combien les pouvoirs métropolitains en France s’étaient développés à l’abri des regards des citoyens, donnant lieu à des compromis entre élus locaux, à bonne distance des procédures démocratiques.
Election du Président de la Métropole Orléans 15/07/2020
“Ces « consensus communautaires » ne sont pas le résultat d’accords sur les objectifs de l’action publique ou de la volonté de dépasser les « logiques politiciennes »[…]. Ils traduisent l’autonomisation croissante des logiques d’action des représentations par rapport à l’élection. Au sein des intercommunalités, les élus municipaux à peine élu.es scellent ainsi des « pactes de non-agression » avec leurs adversaires d’hier, qui n’ont pour seule fin que de préserver leur pré-carré communaux et de leur permettre de négocier la répartition des ressources intercommunales à l’abri des regards.” rappelle Fabien Desage dans un nouvel article publié par notre confrère Médiacités.
Orléans, un cas d’école
Au regard de ce constat, l’élection du président d’Orléans Métropole constitue une sorte de cas d’école avec sa répartition des sièges de vice-présidents issue d’une cuisine laborieuse entre les élus des différentes communes, soudainement révélée au public par la décision du maire du village gaulois de Bou qui dénonça la manipulation et les pressions subies (voir Magcentre), renversant la table sous laquelle se négociait la vice-présidence de Florent Montillot. Car si les petits arrangements entre élus peuvent fonctionner sur le principe “passe-moi le pain, t’auras le fromage” sur des décisions concrètes qui engagent la vie des citoyens non-consultés pour l’occasion, et ce malgré les engagements de transparence d’élus métropolitains ne rendant compte qu’indirectement de leur mandat aux électeurs, cette élection à la présidence de la Métropole orléanaise d’un élu PS avec les voix d’une droite LR, dans une sorte de front républicain contre LREM (voir Magcentre) pose crûment la question: à quoi sert le président de la Métropole ? Sauf à n’y voir qu’une répartition intéressée de prébendes, ce que ne manqueront pas de dénoncer les bien informés commentateurs des réseaux sociaux, il va bien falloir que ce conseil élu prennent des décisions attendues par les habitants métropolitains, par ailleurs électeurs qui viennent de voter avec leurs pieds en désertant les urnes.
Un président sans bras ?
Et deux décisions figurant dans le programme du PS, PS qui ne manque pas de crier victoire suite à cette élection d’un président de gauche sans bras, ne souffriront pas le compromis: la gratuité au moins partielle des transports en commun et la renégociation de la distribution de l’eau dont Serge Grouard tient absolument à maintenir le contrat privé: il serait pour le moins étrange pour ne pas dire plus, que le président Chaillou appose sa signature sur un nouveau contrat privé par ailleurs dénoncé dans le programme OSE auquel s’est associée la gauche orléanaise.
En tout état de cause, cette élection d’un président de gauche avec les voix de la droite soulève visiblement l’indignation sur les réseaux sociaux, nouvelle “vox populi” privée de démocratie, et il n’est pas sûr, à l’approche des prochaines élections régionales, que la gauche ait fait le bon calcul avec cette élection douteuse qui favorisera une nouvelle fois une abstention massive de nos concitoyens qu’il sera alors facile d’accuser de se désintéresser de la chose publique quand ceux-ci attendent avant tout une participation plus active à la démocratie locale.
GP