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Date initiale de publication 29 novembre 2019
>Revisiter une tragédie de Racine est forcément un projet déjà chargé de sens avant même l’ouverture du rideau, et justement, ce jeudi soir le rideau ne s’ouvrit pas au Théâtre d’Orléans puisque de façon très contemporaine la pièce débute sur une scène ouverte, avec un décor minimaliste, entre tapis de sport rouge et banquette rigide où les comédiens, en costume de ville, ont déjà pris place, et la rigueur du dispositif inculque une certaine froideur à l’ouverture d’une tragédie qui nous semble de prime abord lointaine.
Bérénice – photo pascal Gély
Et puis la magie de l’alexandrin produit son effet, le texte scandé dans une pureté absolue, dans cette mise en scène où le visuel est réduit à une présence corporelle sur ce rectangle rouge des passions, nous embarque avant même de saisir les enjeux de cette tragédie dont nous croyions déjà tout savoir. Alors les passions peuvent se déployer, nous télescoper de leur drame intime: telles des poupées russes, les conflits et les sentiments s’enchâssent puissamment autour d’une intrigue aux multiples résonances, une histoire aux enjeux “si loin, si proche”. La dramaturgie nous recentre sur cette ambivalence des sentiments si chère à Freud, pour nous plonger dans ce système ouvert par la passion amoureuse qui exacerbe les sentiments par les obstacles mis à leur accomplissement.
Bien sûr il y a le Sénat romain qui ne peut tolérer que l’empereur s’allie à une princesse étrangère, mais que dire de la lâcheté de Titus devant un choix qu’il n’ose assumer ? Que dire de la folie de Bérénice qui ne pense qu’à se sacrifier par désespoir ? Où est la raison dans cette tragédie censée nous protéger des passions ? Et les questions se démultiplient sur l’amour et le devoir social, mais aussi sur la réalité des sentiments et leur conséquence conflictuelle, sur l’aveu et la parole incomprise, sur l’égoïsme et ce désir dévastateur dans ce brûlant baiser qui brise soudain le rythme versifié du texte de Racine.
La tragédie dans sa pureté contemporaine.
GP
de Jean RACINE – Mise en Scène de Gaëtan VASSART
avec Stéphane BREL, Maggaly GODENAIRE, Sabrina KOUROUGHLI, Stanislas STANIC, Gaëtan VASSART
Jeudi 28 novembre Théâtre d’Orléans
Programmation ATAO