La crise sanitaire a obligé les étudiants à passer leurs épreuves en distanciel. Inégaux face au confinement et aux conditions de passage des examens, certains étudiants orléanais expriment leurs inquiétudes face aux manquements de l’Université.
Goûter en petit comité organisé par la Faculté de droit d’Orléans avec ÔCampus, le 26 mai 2020 – © Melissa Chenda Ang
La pandémie a rappelé à tous à quel point l’avenir était instable. C’est ainsi, dans une économie incertaine, que les futurs diplômés font leur entrée dans le monde du travail. Avant de s’engager dans ce nouveau monde, encore faudrait-il qu’ils obtiennent leur diplôme.
A Orléans, à la Faculté de LLSH (Lettres, Langues et Sciences Humaines), des étudiants en LLCER (Langues et civilisations étrangères), qui font partie des premiers à passer leurs examens, dénoncent l’inertie du corps enseignant et de l’administration. Léa, l’une des étudiantes s’exaspère : « plusieurs étudiants se sont retrouvés sans ordinateur, parfois même sans connexion Internet pour des raisons financières ou parce qu’ils résident dans des zones blanches. De ce fait, beaucoup d’entre nous ont découvert le contenu du cours la veille du contrôle ! ». Une pétition a été mise en ligne le 20 avril 2020 pour dénoncer cette cacophonie entre mise en ligne des cours et date d’examens, dans l’espoir d’obtenir un ajournement pour l’un d’entre eux. En vain.
Face à cette fracture numérique, au 17 avril, l’Université d’Orléans avait prêté 44 ordinateurs. Puis, le 29 avril d’autres ordinateurs et une quarantaine de clés 4G ont été remis aux étudiants. L’objectif étant de 185 ordinateurs et 400 clés 4G et galets (routeurs) pour la connexion. Des actions qui arrivent bien tard pour les étudiants de cette faculté, dont les devoirs ont commencé une semaine après le confinement et pris fin le 29 avril. Pourtant, le 3 avril, l’Université d’Orléans a mené une enquête SMS auprès des étudiants, afin de recenser ceux qui rencontraient des difficultés de connexion ou matérielles. Hélas, malgré son signalement, Léa n’a pas eu de réponse et n’a bénéficié d’aucun prêt.
Etudiants et professeurs livrés à eux-mêmes
Le 17 avril, devant la passivité de certains enseignants, une dizaine d’étudiants ont écrit et signé une lettre, qu’ils ont adressée à la scolarité et à la présidence de l’université. Une longue lettre remontant toutes les difficultés rencontrées telles que la confusion des professeurs lorsqu’ils se retrouvent face à des étudiants de deuxième année, alors que d’autres classes étaient prévues… ou encore les problèmes techniques des élèves : « les conditions techniques ne sont pas favorables à tout un chacun pour la réalisation de ces DM [devoir maison, NDLR]. Je n’ai pour ma part et par exemple, pas d’ordinateur, pendant que d’autres n’ont accès qu’à une connexion Internet de faible qualité. N’ayant eu que 12 heures pour choisir un lieu de confinement, certains élèves n’ont pas accès aux ouvrages indiqués par les professeurs puisqu’ils les ont laissés à leur résidence universitaire. » Cette lettre trouva l’écho dans une réponse automatisée : « les services administratifs sont en congés du 11 au 19 avril ».
Les étudiants se sont tournés vers le rectorat qui n’a pas su répondre aux problèmes rencontrés. Se greffent alors des échanges verbaux houleux de mails entre enseignants et élèves. Ou au contraire des contraintes partagées : « Certains professeurs eux-mêmes évoquaient la difficulté d’enseigner leur matière sur un taux horaire aussi léger que celui qui leur était accordé pré-confinement. Mais aucune mesure n’est prise pour les aider, ni même pour nous aider. La démotivation et la crainte sont des sentiments partagés par certains professeurs comme par les élèves, des sentiments bafoués par une administration peu conciliante », s’indigne Léa.
Un manque d’accompagnement des Erasmus
Lors d’un goûter post-confinement, organisé le mardi 26 mai 2020 par la Faculté de droit et la Fédération des associations étudiantes ÔCampus, visant le maintien du lien avec les étudiants, nous avons rencontré Dona*, étudiante roumaine en Erasmus, en licence d’administration et gestion : « Le confinement a été difficile à cause du manque d’informations. On nous a dit au début, qu’on devait partir du logement Crous et on nous a laissé quelques temps dans l’incertitude, ce qui fait qu’on avait pas spécialement la tête dans les partiels avec toute cette angoisse. » Dona n’est pas familiarisée avec l’ordinateur paramétré en français mais elle relativise car elle a pu compter sur l’initiative d’une professeure qui l’a soutenue en communiquant fréquemment avec elle. Chose impossible pour les autres professeurs car « tous ne savaient pas forcément qu’ils avaient des étudiants Erasmus. On n’a pas été tout de suite inventoriés dans les listes d’élèves, ce qui fait aussi qu’on a pas été mis au courant des modalités de certains partiels ».
Alors que Cyril Atanga, étudiant en Droit, qui craignait « que ce soit n’importe quoi au niveau des partiels» semble satisfait de l’accompagnement des enseignants qui « ont bien expliqué les modalités des examens ». Avis partagé par Mel, étudiante en Géographie pour qui « les partiels se sont déroulés sans problème », propos confirmés par Paul, étudiant en STAPS à l’Université de sciences.
D’évidence, tous les étudiants n’ont pas été logés à la même enseigne lors du passage de ces partiels, comme l’indique ce message Instagram : « En Géographie loués soient les professeurs qui nous ont en grande majorité suivis et soutenus. Par contre, il est intolérable que l’université nous ai si peu informés sur l’évolution de notre année (…) et c’est pas au doyen d’UFR de se créer un Facebook pour relayer les infos mais bien les services généraux de l’université ! L’administration n’a pas fait son boulot et s’est carrément effacée en cette période. » Dans ce contexte contestataire, nous avons sollicité le président de l’Université, Ary Bruand, lequel n’a pas trouvé le temps de nous répondre.
Des retours hétéroclites
Ilyasse Rakini, étudiant en Droit qui participait à la distribution du goûter, dépeint des retours hétéroclites à la suite d’un enquête d’ÔCampus, effectuée sur les réseaux sociaux et ayant recueillis plus de mille réponses : « Dans la Faculté de sciences nous avons eu de très mauvais retours, alors qu’en Fac de droit c’est mitigé suivant les filières et pour les LLSH on a eu de bons retours ». Il explique que ÔCampus a « tenté d’être un relais pour faire parvenir les difficultés des étudiants aux professeurs et à l’administration (…) Nous avons pu améliorer et alerter sur certains points mais par exemple pour le calendrier des partiels nous avons été impuissants ».
Aussi, afin d’interagir entre étudiants et évacuer le sentiment de solitude, ÔCampus a créé un groupe sur le réseau social Discord comptant plus de 300 étudiants et rapporte : « dans les zones blanches, en campagne, ils ont pu s’arranger grâce à la distribution d’ordinateurs. Aujourd’hui, on n’a pas de retours négatifs, je pense que cela a été pris suffisamment en charge. Cependant, je regrette le retard. »
De par la particularité de chaque filières, force est de constater que certains étudiants ont subi plus que d’autres l’inédit de la situation. L’administration de Droit explique « qu’il est possible qu’il y ait eu de retard et on peut peut-être regretter qu’il n’y ait pas eu d’unité mais, dans ce contexte, on a fait tout notre possible ».
Aujourd’hui, certains étudiants sont anxieux des retombées. Les résultats seront dévoilés ce mois de juin. La question est désormais de savoir si les étudiants bénéficieront d’une prise en compte du manque d’équité lors de la notation. Et parce que chaque faculté a géré la crise différemment, on peut s’interroger sur la valeur qu’aura ce semestre auprès des autres universités que ces étudiants souhaitent intégrer dans la poursuite de leur cursus.
Chenda
*prénom d’emprunt