Tous les ans, fin mai, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et ses partenaires célèbrent la Journée mondiale sans tabac. Son but ultime est de construire un monde sans fumeur puisque le tabagisme, avec 8 millions de morts par an dans le monde, reste la première cause de mortalité évitable. Les défenseurs de la santé publique se sont réunis dimanche 31 mai sous l’égide de l’OMS afin d’organiser cette lutte internationale anti-tabac. Force est de constater que cette année son retentissement a été faible. C’est la Covid-19 qui a la vedette.
Cette journée 2020 sans tabac dénonce la stratégie de séduction des industriels du tabac vers les plus jeunes pour en faire des consommateurs chroniques.
L’OMS a ainsi choisi pour thème « Protéger les jeunes contre les manipulations de l’industrie et les empêcher de consommer du tabac et de la nicotine ». L’objectif est de sensibiliser les plus jeunes aux effets toxiques et mortels de l’exposition au tabagisme et à la fumée des autres. Elle veut apprendre aux jeunes générations à détecter et à déjouer les manœuvres employées pour les convertir à la cigarette. Ne pas commencer à fumer pour ne pas succomber à l’addiction au tabac dont il est particulièrement difficile de sortir.
C’est pour cette raison que l’OMS s’oppose au vapotage qui pourrait être une porte d’entrée dans le tabagisme. Même si beaucoup de cigarettes électroniques contiennent de la nicotine, substance hautement addictive, le vapotage diminue néanmoins les risques de maladies chez un grand nombre de fumeurs invétérés. Les consortiums du tabac ont bien compris que les jeunes générations sont plus vulnérables aux produits créant des dépendances. Ils représentent un marché prometteur à conquérir afin de renouveler les fumeurs décédés chaque année.
S’inspirer des méthodes de l’industrie du tabac
Depuis plusieurs années la consommation de tabac diminue dans notre pays. Le bulletin épidémiologique hebdomadaire, publié par Santé Publique France le 26 mai dernier, confirme cette baisse pour 2019.
Avec 30,4% de fumeurs dans la population, dont 24% de fumeurs quotidiens, c’est le taux le plus bas jamais atteint. Malheureusement le tabagisme est encore à l’origine de 75 000 décès par an en France. Chez les 18-24 ans, si la baisse se poursuit chez les jeunes femmes, ce n’est pas le cas chez les jeunes hommes, ni les adolescents.
Les inégalités sociales sont également des marqueurs pour le tabagisme quotidien. Chômage et bas revenus sont des facteurs prédisposants à un tabagisme intense. La prévention anti-tabac ne doit donc pas baisser sa garde et doit mieux cerner les différentes catégories de fumeurs. Un message de prévention n’atteindra pas de la même manière un chômeur, un homme mature, un étudiant, une jeune femme, un adolescent, un employé ou un cadre supérieur…
Chaque démarche doit être spécifique. Il y a bien longtemps que les cigarettiers ont assimilé et pratiquent une approche différenciée propre à chaque catégorie de consommateurs. Son marketing fabrique des messages ciblés parfaitement adaptés au public visé. Pour améliorer son efficacité, la prévention du tabagisme doit s’inspirer des méthodes de l’industrie du tabac.
Combattre les inégalités sociales participe à la prévention du tabagisme
L’attaque virale et le confinement ont entraîné une augmentation de la consommation de tabac, d’autant que l’idée a couru, vite démentie, que le tabagisme pouvait protéger contre les formes sévères de la Covid-19. La nicotine est un remarquable anxiolytique et les inégalités sociales sont des facteurs de stress aggravant le tabagisme. La lutte contre le fléau du tabac doit donc tenir compte des conséquences économiques délétères générées par la déroutante épidémie de Sars-Cov-2. Combattre les inégalités sociales participe à la prévention du tabagisme.
Jean-Paul Briand