La suspension le 7 octobre 2019 de l’enseignant-chercheur Laifa Boufendi est en passe de devenir un feuilleton. Cette affaire est sortie des murs de l’Université d’Orléans le 15 mai dernier lors de la conférence de presse de l’intéressé, en présence de l’un de ses soutiens, André Bouchoule (voir Mag Centre 15 mai 2020). Suite à la médiatisation de cette affaire, l’Université a fait parvenir à la presse un communiqué le 20 mai, expliquant les raisons juridiques de cette mise à l’écart. Un communiqué qui a lui même déclenché une lettre ouverte des soutiens du professeur le 22 mai à cause de “nombreuses inexactitudes“.
Pour comprendre cette “drôle” d’affaire, compliquée et surtout rare au sein d’une université, il faut revenir à la date du 7 octobre 2019 où Laifa Boufendi, 66 ans, professeur de classe exceptionnelle du GREMI est brutalement éjecté de son laboratoire à 13h30 avec interdiction d’y revenir. Un premier avis de suspension précise que “les agissements reprochés à l’intéressé sont susceptibles de constituer une infraction de droit commun et que sa présence au sein de l’université est susceptible d’occasionner un désordre”. Quand il demande des précisions, on lui répond qu’il n’a pas à le savoir. Le 15 novembre, nouvelle suspension, cette fois de six mois. Cette deuxième décision du président de l’Université Ary Bruand, indique alors qu’il est poursuivi “pour des faits graves de harcèlement moral et sexuel” mais là encore sans fournir plus de détails. Laïfa Boufendi prend alors une avocate et il finit par obtenir une audition à l’Université d’Orléans le 9 décembre, à laquelle il est contraint d’assister seul et sans la rédaction du moindre compte-rendu. Le 11 mai, nouvel avis de suspension, courant jusqu’au 6 octobre, puisque cette mise à l’écart ne peut excéder un an.
Communiqué officiel de l’Université d’Orléans, suivi d’une lettre ouverte
Des faits résumés dans le communiqué du 20 mai de l’Université d’Orléans qui dénonce “une mise en cause de l’Université” puis explique la procédure juridique mise en place, notamment les avis de suspension et une enquête interne administrative au sein de l’Université. Ce communiqué indique aussi “la saisine de la section disciplinaire du Conseil Académique de l’Université, dont l’intéressé a été informé”, ce que celui-ci dément formellement.
Dans la lettre ouverte au président Ary Bruand, envoyée à l’Université et à la presse le 22 mai par les soutiens de l’enseignant-chercheur sous la plume d’André Bouchoule (cofondateur et ex-directeur du GREMI) ce dernier précise que ce n’est pas l’Université qui est mise en cause mais les décisions de son président. Une lettre qui souligne une mise à pied précédant l’enquête administrative, qui s’étonne du fait qu’Ary Bruand n’a jamais reçu l’intéressé en tête à tête et qui dénonce : “Les arrêtés de suspension prolongés au maximum légal démontrent une présomption de culpabilité.”
La lettre retient aussi l’information du communiqué précisant “Monsieur le Procureur de la République indique qu’une enquête est en cours” mais souligne le fait que depuis le 7 octobre Laïfa Boufendi n’a “à ce jour aucune information précise sur cette accusation” , ce qui l’empêche de préparer sa défense.
C’est pourquoi “les signataires de la supplique « LUMIÈRE et JUSTICE » adressée le 28 Février 2020 à Monsieur Nicolas Bessone, Procureur de la République à Orléans, demandaient que la vérité soit clairement établie par un procès équitable dans cette affaire”.
A noter enfin que Corinne Leveleux-Teixeira enseignante universitaire, qui a succédé au Conseil d’Administration de l’Université d’Orléans après la démission de Laïfa Boufendi, a elle aussi envoyé une lettre à Ary Bruand pour lui demander des éclaircissements sur cette mise à l’écart. A suivre donc.
Sophie Deschamps