[Billet]
Par Nathalie Grenon, le 14 mai 2020.
« Nous venons d’apprendre la mort de Michel Ricoud et déjà le quartier n’est plus comme avant.
Michel Ricoud
Car il était présent, Michel, de cette présence bienveillante et engagée. Il n’entendait pas les gens, il les écoutait. Tous, sans distinction aucune. Blanc ou noir, croyant ou incroyant, riche ou pauvre, homme ou femme, il était du côté de l’humain. De tous les humains. Avec l’humilité et la modestie de ceux qui savent écouter puis analyser pour agir. Car Michel était un être d’action. Et pour agir, il n’avait besoin que d’être convaincu de l’urgence ou de l’iniquité d’une situation.
Aussi, il avait l’écoute des « sachants », élu-es et technicien-ne-s, fonctionnaires et salarié-es. Car Michel était aussi un homme de dossier. Il travaillait avant d’agir. Pour ne pas s’entendre dire que ce qu’il demandait était irréalisable voire irresponsable.
Quand, avec Hélène Mouchard-Zay, nous avons porté ce projet de transformer le Cercil en un Musée-Mémorial des enfants du Vel d’hiv, il avait voulu que je lui explique pourquoi je m’investissais tant dans un lieu consacré à la Shoah. Nous avons longuement discuté de ces hommes, arrêtés le 14 mai 1941, il y a tout juste 79 ans, et qui avaient fui leurs pays d’origine pour rejoindre la France ; la France des Droits de l’Homme, de la Commune, de Jaurès, de Hugo, de Dumas, cette France qui a été la première à émanciper les Juifs, qui a déporté Dreyfus, mais qui l’a aussi réhabilité. De ces hommes aux idéaux politiques affirmés, bundistes, communistes (….), qui rêvaient d’un monde meilleur. Nous avons longuement discuté sur ce lieu qui devait (et est devenu) un lieu de réflexion et d’outillage intellectuel pour lutter contre les obscurantismes.
Il m’avait alors assuré de son soutien. Et je sais qu’il n’a eu de cesse d’en convaincre ses camarades.
Michel ne parlait jamais de lui. Je ne savais pas s’il était « Blanc ou noir, croyant ou incroyant, riche ou pauvre, homme ou femme ». Bien que malade, il prenait de mes nouvelles et me demandait lorsque nous nous croisions encore, parfois, où en était mon nouveau projet. Cette fois encore, il voulait m’apporter son soutien.
Chaque semaine, au matin blême devant la Corep, à l’ombre portée de la statue de l’Indien, nous nous croisions, et nos échanges sur l’actualité du jour me manquent déjà.
La Source est orpheline. Je perds un guide (il aurait détesté ce mot !). Je perds un ami. »
Nathalie Grenon, ancienne directrice du Cercil, Musée mémorial des enfants du Vel d’Hiv, le 14 mai 2020.