Cette soirée de mercredi soir du Festival orléanais Jazz or Jazz avait pourtant bien commencé avec une jolie découverte du groupe Mélusine programmé dans le cadre de Jazz Migration dans la petite salle Vitez, un peu plus remplie que la veille.
La valeur n’attend pas les années et la composition “Chroniques” de l’accordéoniste Christophe Girard, feuilleton en cinq chapitres ne manquait pas de créativité musicale pour un ensemble à la composition pour le moins hétérogène associant à l’accordéon une contrebasse, une guitare, une batterie et un euphonium, avec de chatoyantes envolées collectives ou individuelles comme cette pépite de percussion minimaliste qui n’était pas sans rappeler du Daniel Humair d’il y a quelques années, le tout dans une mise en scène et un éclairage soignés, ce qui ne gâchait rien de cette prestation bien ficelée.
Mélusine cl Marie-Line Bonneau
Au pays de la reine de Saba
Voilà la belle idée de ce Jazz or Jazz 2019, faire découvrir la musique éthiopienne au public orléanais en invitant son pape, Mulatu Astatke, à venir nous présenter l’éthio-jazz auquel il travaille depuis bientôt cinquante ans. Il faut dire que la musique éthiopienne a une place à part dans la musique africaine, j’écrivais il y a quelques temps à propos d’un concert donné à la Source, c’est un continent à elle toute seule ! En effet l’Ethiopie a l’originalité en Afrique de n’avoir jamais été colonisée, et ce pays resté indépendant a, dès les années trente, intégré la musique et les instruments occidentaux à sa tradition musicale créant un univers de sonorités et de compositions totalement original que le cinéaste Jim Jarmush fit découvrir au monde en 2005 avec la musique de son film Broken Flowers composée par… Mulatu Astatke !
Mulatu Astatke cl Marie Line Bonneau
Et en bon ambassadeur de son patrimoine musical, Mulatu Astatke, entre deux morceaux où il joua de ses talents de vibraphoniste, proposa au public un cocktail chatoyant de cette musique tellement riche d’un mélange, tantôt envoûtant tantôt stimulant, de ces multiples influences musicales, réunies dans un syncrétisme qui fit l’unanimité d’un public sous le charme de ce père tranquille de l’afro-jazz , accompagné d’interprètes à la hauteur du répertoire
Conflit de génération
Et puis ce fut le second concert de la soirée avec Tony Allen et Jeff Mills associé pour l’occasion à Jean-Phi Dary aux claviers: la marche était sans doute trop haute, le contraste trop marqué pour une partie du public entre ce chatoiement africain et les boucles rythmiques plutôt abstraites que nous livrèrent ces deux légendes associées dans un groove hypnotique. Vite lassée par la mécanique répétitive du dialogue entre le batteur au rythme un peu trop tranquille et les étonnantes machines électroniques de l’infatigable Jeff Mills, une partie de la salle quitta les lieux, laissant la place à un public sans doute plus jeune qui se décida à danser dans les travées, réveillant du même coup les claviers un peu somnambuliques du grand Jean-Phi, pour une deuxième partie de concert qui trouva enfin son osmose entre les trois musiciens.
Jean Phi Dary Tony Allen Jeff Mills cl Marie Line Bonneau
Et oui, le jazz ne fait pas toujours l’unanimité entre un public vite décontenancé par des formes qu’il ne connaît pas et des amateurs qui ne s’embarrassent pas des standards, et si l’association de ces trois talents suscita quelques discussions animées à la sortie, elle fit pourtant quelques heureux comme ce spectateur encore subjugué par sa rencontre avec la personne du “dieu vivant” de l’afrobeat, Tony Allen…
GP