Dr Jean-Paul Briand
La crise économique mondiale en rapport avec la flambée virale du Sars-Cov-2 fait réapparaître le concept ancien de « revenu universel » (RU), encore appelé « revenu d’existence », ou « revenu de base ». Il pourrait protéger les employés et les entrepreneurs en difficulté. Il serait à même d’amortir l’impact économique de la crise.
Pour être authentiquement universel, un RU doit obéir à certaines règles. Il doit être versé individuellement à toutes les personnes, sans distinction de lieu de résidence, d’âge, de nationalité ; aucune condition de niveau de gains financiers, ni d’une quelconque contrepartie, ne doit être exigée. Le RU est donc cumulable avec toutes les autres rémunérations, quitte à être éventuellement soumis à l’impôt ; être payé sous forme monétaire régulièrement, sans contrôle social ou administratif.
Au même titre que la gratuité, la protection des biens communs et la lutte contre les inégalités, certains nourrissent la croyance qu’il pourrait combattre la pauvreté, protéger efficacement les plus vulnérables (femmes, chômeurs, handicapés, jeunes…), garantir une existence sociale, être un filet de sécurité, valoriser les activités non rémunérées, permettre de s’occuper de ses proches, etc. À l’inverse d’aucuns y voient des effets pervers, tels que l’encouragement à la paresse ; que son montant sera probablement insuffisant pour vivre dignement ; qu’il va dédouaner les responsables politiques de toute action sociale ; qu’il donnera argument aux machos afin d’obliger leur compagne à rester au foyer ; que chacun doit obtenir selon ses mérites, etc.
Mise en place d’une étude ?
Compte tenu des effets attendus mais aussi imprévus d’un RU, il serait sans doute licite de mettre en place une étude française, sur plusieurs mois, permettant d’évaluer un RU décent en situation réelle. Une telle étude, avec une somme d’argent réaliste, permettrait de savoir concrètement si le RU améliore la vie des personnes ou pas, quelles sont ses conséquences positives et négatives, humaines et financières et quelles particularités ou singularités se révèlent avec le RU.
Une étude de ce type a été tentée en Finlande, du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018. Cet essai finlandais est remarquable car c’est la première expérimentation de terrain avec une participation randomisée obligatoire. Son objectif était malheureusement limité à l’étude des effets du revenu de base sur la recherche d’emploi. Elle n’a porté que sur un échantillon de 2000 personnes, nombre trop faible pour faire apparaître les comportements singuliers. Peut-être serait-il judicieux de renouveler ce travail et de le compléter sur la métropole voire sur toute la région ?
Accéder aux biens et services essentiels
Rappelons que l’article 22 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, dit que « toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays ».
Si cet article 22 est respecté, un revenu doit être garanti afin de permettre à chaque individu, dès sa naissance, d’accéder aux biens et services essentiels. Reste à définir la hauteur pécuniaire de ce revenu et son mode de financement. Si une volonté politique affirmée n’existe pas, le revenu universel restera une bien belle utopie…
Jean-Paul Briand