Covid-19 : « Le régime de pupille de l’État me semble insuffisant »

De nombreux Français sont en première ligne de la crise sanitaire actuelle. Ils luttent, avec le sens du devoir, contre un ennemi invisible mais féroce, parfois au péril de leur vie. Comme Justine Raharivelo, aide-soignante de 48 ans, sans antécédent médical, exerçant à l’hôpital de Châteauroux (Indre), qui est décédée des suites d’une contamination au coronavirus, le 9 avril 2020. Elle laisse quatre orphelins derrière elle.

C’est dans ce contexte que François Jolivet, député de la 1ère circonscription de l’Indre, a initié une tribune appelant à la création d’un statut de reconnaissance nationale, semblable à celui de « pupille de la Nation » pour les enfants de celles et ceux qui sont décédés au front, dans la lutte contre le coronavirus.

 

Propos recueillis par Elodie Cerqueira

Pourquoi proposer une prise en charge spécifique alors que le régime de pupille de l’État existe déjà pour les enfants qui n’ont plus ou pas de parents ?

François Jolivet : Il y a deux régimes en France. Celui pupille de l’État où les enfants sont placés sous la protection de l’État, dans un foyer de l’enfance, sous la tutelle du préfet, jusqu’à leur majorité. Et celui de pupille de la Nation qui a été inventé pendant la guerre 14-18. Il visait souvent les veuves de guerre qui gardaient seules leurs enfants. Il est tenu par la communauté de défense qui permet d’assurer une continuité de vie (subventions dans le domaine scolaire, mutuelle, études, recherche d’un premier emploi, apprentissage, prêts, bourses, fiscalité…). Ce régime a été ouvert aux victimes du terrorisme grâce à François Hollande.

Cette aide-soignante élevait ses quatre enfants seule car son mari est décédé. Sans vouloir réparer car on ne répare pas la mort de quelqu’un, la question est de faire en sorte que les enfants de ces personnes décédées puissent avoir un avenir, sous la protection de l’État. Le régime de pupille de l’État me semble insuffisant par rapport à ce qui est consenti à des enfants de parents décédés dans des actes de guerre ou de terrorisme. Je pense qu’ils méritent mieux que le régime général. Et ce n’est pas du tout une revendication politique, ça part du concret, du terrain.

Il faudrait imaginer quelque chose pour les enfants de ces gens qui sont disparus parce qu’ils étaient au front sanitaire. Au-delà du personnel soignant, il y a beaucoup de personnes qui ont concouru à délivrer des prestations sanitaires qui ne sont pas des personnels d’hôpitaux ou de cliniques mais qui peuvent être ambulanciers, régulateurs et qui ont rencontrés des gens malades. Ces gens-là on les invite à vivre dans des clusters tout de même !

Pourquoi n’avez-vous pas proposé directement un projet de loi ?

F.J. : Je ne suis pas capable d’établir la proposition de loi, je suis plutôt quelqu’un qui lance une idée et qui interpelle politiquement le gouvernement. Ma proposition est transversale et apolitique. D’ailleurs, les autres mouvements politiques m’ont fait des signes positifs. Ma réflexion vient du terrain, sans histoire de rivalité.

Si le gouvernement n’avance pas sur ce sujet, et je peux comprendre qu’il ait autre chose à faire en ce moment, ça deviendra une proposition de loi. Ce qui compte, c’est que l’idée soit portée et que les pouvoirs publics s’en saisissent.

Vous avez rédigé une tribune appelant les députés à se mobiliser pour les victimes du coronavirus. Seulement 39 députés sur 577 vous ont rejoint au 15 avril 2020, est-ce suffisant ?

F.J. : C’est une idée qui fait son chemin. J’ai commencé par cette lettre pour cranter les choses et depuis je suis très sollicité. Cela démontre que la prise de conscience ouvre un vrai débat politique. En outre, une proposition de loi devait être déposée le 16 avril par le député de la Manche, Philippe Gosselin (LR), sur l’extension du régime de pupille de la Nation aux victimes collatérales du Covid sous l’Onac (Office national des anciens combattants). Cela veut donc dire que c’est très transversal et c’est rassurant sur le fond.

Je n’ai pas encore de retour du ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran. En revanche, j’ai des retours de ses collaborateurs qui m’ont rapporté qu’il était interpellé plutôt positivement mais qu’il était sur autre chose en ce moment et je le comprends. Néanmoins, je suis persuadé que le gouvernement est déjà en train de recenser.

Comment votre démarche est-elle accueillie par les soignants ?

F.J. : Ils m’ont dit qu’ils s’inquiéteraient moins pour le devenir de leur famille si cela existait. Il est bien d’applaudir à 20 heures le personnel soignant et tous ceux qui concourent à cette mission de soin au sens large mais la glorification c’est encore mieux avec des actes.

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