Christophe, ce merveilleux artiste dont le grain de voix avait un si beau parfum de cœur filé, s’est éteint ce jeudi 16 avril à l’âge de soixante-quatorze ans. Le 23 juin 2010, à l’invitation de Stéphane Kochoyan, directeur artistique, il se produisait au Campo Santo sur la scène d’Orléans’Jazz en compagnie du trompettiste ErikTruffaz. C’était une création de soie et de velours nimbée de notes bleues et mauves. Ce concert d’ouverture était empli de douceur haletante et de spatialité. Lors de cette belle soirée “Jazz Alternative Way”, Christophe et le trompettiste, accompagnés de Christophe Van Huffel, piano, et de Pascal Charpentier, guitare, y interprétaient de manière émouvante “Les mots bleus” dont l’une des phrases , “Le vent d’hiver souffle en avril”, souligne bien le chagrin qu’éprouvent aujourd’hui ses admirateurs.
Christophe cl Jean Puyo
Sincèrement, il était magnifique, pour beaucoup, de voir Christophe, l’homme de
“Aimer ce que nous sommes”, son treizième album studio enregistré en 2008, être l’invité d’un festival qui avait accueilli depuis 1990 les plus grands noms du jazz. En cette édition 2010, l’affiche était du reste une nouvelle fois très attractive avec, entre autres, les venues d’Eddy Louiss, Biréli Lagrène, Didier Lockwood, Marcus Miller, Candy Dulfer, Rachid Taha ou
Salif Keita, René Urtreger,
Roberto Negro Trio,
Benoit Lavollée. Pour mémoire, rappelons que Christophe et Erik Truffaz éprouvaient une admiration réciproque l’un en vers l’autre et qu’en 2007, le trompettiste avait du reste demandé à l’auteur compositeur interprète de participer à son album “Arkhangelsk” et d’y interpréter le si romantique “L’un dans l’autre”.
Peu avant son concert orléanais, faisant montre d’une grande disponibilité, d’humilité et de passion, Christophe répondait à nos questions lors d’une interview dont voici un extrait:
Au Campo Santo, juin 2010: “J’aime la faille quand elle est magique”
cl Didier Depoorter
JDB: Très souvent vous parlez du son commemoteur de votre art…
Christophe: “C’est le son qui me fait créer. Je me définirais comme un sculpteur de son. J’ai du reste travaillé la glaise, où l’on est dans la forme, la casure, le remodelage, le collage. Je pense que c’est un peu cela la musique. Oui, c’est cela, je suis comme un peintre. Au lieu de faire des formes de couleurs, je suis quelqu’un qui fait des formes d’ondes.”
JDB: Qu’aimez-vous écouter ?
Christophe: “Camille, Gil Scott Heron, Sade, Wassouf, Youssef, le jazz des Jazz Messengers et de Miles Davis. Je touve que la musique arabe est la plus belle du monde. Si j’ai commencé par le blues , j’aime bien le jazz chic. Encore unefois, je joue de divers instruments mais je ne connais pas la musique, je ne sais même pas où est le Do. Je joue ce qui est sorti de mon inspiration et ne peux rejouer deux fois le même morceau. Je ne sais qu’une chose, c’est que le son transmet l’émotion. L’émotion que je ressens en écoutant Billie Holiday, Charlie Parker, Thomas Ehnco, et ce que fat Eric Truffaz. Je n’ai pas de culture, je suis quelqu’un qui marche à la rencontre. Le hasard est un don et j’essaie de vivre avec ça. Ma route se trace par instinct et émotion.”
JDB: Quelques mots à propos de votre concert à Orléans ?
Christophe: “Je vais y jouer avec Erik Truffaz, j’ose me mettre au piano. Il faudra me prendre comme je suis , avec mes erreurs, car cela fait partie de mon art. J’aime la faille quand elle est magique. Nous sommes dans l’émotion et dans l’espace avec Erik Truffaz qui vient roder sur notre planète. Erik avoulu jouer sur “Petite fille du soleil” alors on y va, sans complexe et comme on le sent. Encore une fois, pour que tout soit bien, il faut qu’il y ait un son. Sans le son nous ne serions qu’un peintre qui voudrait peindre sans couleurs. Il ne faut pas perdre l’émotionnel. Le son sert à nuancer. L’émotion est la nuance.”
Jean-Dominique Burtin
Merci à Didier Depoorter et à Jean Puyo pour leurs photographies.
L’album photos de Didier Depoorter