COVID-19 Le pangolin, victime plus que coupable

Jusqu’à cette crise sanitaire où il pourrait avoir joué le rôle d’hôte intermédiaire, le penggulung – “celui qui s’enroule” en indonésien – restait plutôt dans l’indifférence de tous. Pourtant, ce mammifère insectivore d’Afrique Équatoriale et d’Asie du Sud-Est, est l’une des espèces les plus braconnées au monde. Et c’est sans doute là l’origine du mal… 

Un pangolin des Philippines ©Gregg Yan

Il est, avec la chauve-souris, la seule espèce animale à héberger des coronavirus proches du SARS-CoV-2 à l’origine de la maladie infectieuse respiratoire Covid-19. Pour autant, cela en fait-il le coupable n°1 ? « Non. Selon l’état actuel des recherches, il y aurait une recombinaison génétique entre le virus de la chauve-souris et celui du pangolin, explique Philippe Grandcolas, directeur, entre autres, de l’Institut de systématique, évolution, biodiversité, au Muséum national d’Histoire naturelle. Mais rien ne dit que quelqu’un va trouver le virus adéquate : du vivant on ne connait que 10 à 20 % des virus. Le scénario exact, on ne le connaîtra probablement jamais. » 

Néanmoins, des hypothèses circulent dont une : « Une contamination fin décembre, sur un marché de Wuhan, au moment des fêtes de l’année du Rat, raconte Didier Sicard, spécialiste des maladies infectieuses et professeur émérite à Sorbonne Université. Y sont vendus des animaux illégaux et sauvages (chauves-souris, pangolins, serpents…) dans des casiers en osier et dans des conditions de rapprochement excessif, où il y a une masse d’animaux infectés. Il a suffit alors d’en manipuler (écailles de pangolins, urines, déjections, salive…), et de porter la main à la bouche et hop c’est parti ! C’est l’hypothèse vraisemblable. »

Une double peine pour le pangolin

Suspecté par les scientifiques d’être un hôte intermédiaire entre la chauve-souris et l’homme, le pangolin n’a jamais eu autant d’yeux braqués sur lui. De la famille des Manidés, ce fourmilier pas plus gros qu’un caniche vit dans les forêts tropicales d’Afrique et d’Asie où il régule les populations d’insectes. Animal solitaire, lent et nocturne, son corps, imbriqué d’écailles entre lesquelles poussent des poils, lui confère une silhouette hors du temps, voire préhistorique. Plus qu’une singularité, cette armure, qui compense une mauvaise vue, est une véritable arme de défense contre les prédateurs (morsures de fourmis et de termites dont il se nourrit par exemple). En danger ? Il se met aussitôt en boule ! Mais il est une arme contre laquelle il ne peut rien… le braconnage. Selon les chiffres du WWF, un million d’individus ont été capturés dans la nature ces dix dernières années. C’est « l’une des espèces les plus braconnées dans le monde, souligne Géraldine Veron, Professeur et Chargée de conservation des collections de mammifères au Muséum national d’histoire naturelle. Son commerce est strictement interdit, pourtant plus de 20 tonnes sont saisies chaque année dans le monde ». Un trafic qui alimente une consommation de viande en Chine et Asie du Sud-Est et une médecine traditionnelle (écailles). Une situation qui fait du pangolin l’une des espèces les plus gravement menacées sur la planète.

L’homme, le principal responsable

Le pangolin est l’une des espèces les plus braconnées au monde. ©Wahyudi/AFP

Ainsi, s’il est un véritable responsable à dénoncer, c’est bien l’homme ! « Le fait de les chasser, puis de les rassembler dans les marchés est la meilleure manière pour que des chauves-souris aient pu transmettre le virus aux pangolins, et qu’à leur tour, ils transmettent le virus à l’homme », poursuit Géraldine Veron. Ainsi donc à cette crise sanitaire se lie indéniablement celle de la biodiversité. « Les coupables ce sont les gens qui braconnent et importent, insiste Philippe Grandcolas. Plus des deux tiers des maladies émergentes sont des zoonoses, c’est-à-dire des maladies dont le réservoir de l’agent infectieux est un animal ; parmi ces zoonoses, la majorité provient d’animaux sauvages ». 

Braconnage, trafic… mais pas seulement, la perte des habitats pose aussi un problème majeur : raser les forêts pour en faire des terres agricoles déséquilibre les milieux naturels et favorise la promiscuité des villageois avec ces habitats. Résultat ? Soit les espèces disparaissent, soit elles sont déplacées. Mais en se déplaçant, les populations vont se concentrer favorisant l’émergence d’une espèce-réservoir qui va développer un agent infectieux. Cette même espèce infectée et chassée que l’on retrouvera sur les marchés… « Cette pandémie est une métaphore de notre comportement avec la biodiversité, poursuit Philippe Grandcolas. Ce que l’on reproche aux Chinois, on pourrait nous le reprocher. En France, on fait pareil avec les renards : un million tués par an parce qu’on les considère comme nuisibles alors qu’ils sont utiles contre la maladie de Lyme qui touche des milliers de personnes chaque année. »

L’ours pour soigner du covid-19

Alors que les communautés scientifiques travaillent d’arrache pied tous azimuts pour trouver vaccins et médicaments, la Chine, elle, vient, selon l’Agence France Presse (02/04/2020), de donner son Go pour traiter des patients atteints de la Covid-19 avec un médicament à base de bile d’ours, dont les élevages sont bien connus ! Toujours selon le communiqué de l’AFP, Brian Daly, porte-parole de l’association Animals Asia Foundation (AAF), redoute que la recommandation officielle de Pékin n’ajoute à la menace qui pèse sur l’ours noir d’Asie, une espèce en danger : « Promouvoir le recours à la bile d’ours risque de se traduire par une augmentation des volumes prélevés, non seulement aux dépens des ours en captivité mais aussi de ceux qui sont en liberté ». Décidément la pharmacopée chinoise n’a pas fini de livrer ses secrets de fabrication…

Estelle Boutheloup

Photo de Une ©Photoshot License Ltd / Alamy Stock Photo

Commentaires

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  1. Pauvre et brave animal qui ne demande rien à personne, bien sûr qu’il est victime !
    Victime des habitudes alimentaires des chinois qui vont bien au delà du pangolin et d’une famine, mais les chinois n’ont pas évolué sur leurs habitudes alimentaires ou si peu.
    Le nombre d’espèces qui ont disparu ou en voie de disparition, parce que soit disant aphrodisiaque ou autres fantasmagories.
    Par contre, ils nous imposent des conditions pour les fameux pandas de Beauval. Espèce en voie de disparition et que les chinois protègent.
    Un vrai symbole, mais si sa disparition est un problème d’habitat qui se réduit en Chine même, qu’il a été chassé pour sa fourrure, j’imagine qu’il a longtemps été utilisé comme nourriture !
    Certains en France vante les vertus de la médecine chinoise (j’en ai un dans la famille, d’ailleurs sa fille parle le mandarin et a pu faire des études à Pékin) et ce membre de ma famille est contre toutes les vaccinations.
    Si comme je l’espère pour le bien de tous, un vaccin contre le covid-19 vient à notre rescousse, je lui poserai la question : alors vaccin ou covid ?

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