Comme nous l’annoncions il y a quelques jours, la Scène nationale, organisatrice du festival Jazz or jazz qui aurait dû se tenir du 14 au 18 avril et qui n’aura pas lieu, met à disposition sur son site une liste de morceaux à écouter. Des plages de musiciens que l’on aurait dû écouter en vrai. Gardons le plaisir des oreilles, mais sans renoncer à attendre le plaisir relationnel du concert…
Emile Parisien, Jazz or Jazz 2019. Crédit Photo Marie Line Bonneau
Dans cette liste, quelques noms ont retenu toute notre attention. Celui d’Emile Parisien, tout d’abord. Cet incroyable jeune saxophoniste, qui chérit surtout le soprane, est en effet à lui seul un événement. On l’a découvert très jeune, dans les années 2000, alors qu’il sortait du collège de jazz de Marciac, complété par un cursus au conservatoire de Toulouse. Développant à la fois sa propre musique dans un quintet puis quartet et une solide position de side man auprès de grands noms du jazz, il a mené sa barque avec une apparente facilité, récompensé par de multiples prix prestigieux. Sa collaboration avec son ami Vincent Peirani, jeune accordéoniste, a marqué à la fois une grande ouverture vers un public plus large et une consécration méritée. Belle époque, contribution à Sydney Bechet, développe un style tout à fait dans l’air du temps, qui part de l’histoire du jazz en y mélangeant des approches tellement personnelles qu’elles sont en dehors de toute catégories. Immense réussite plébiscitée par le public. On a pu les écouter en quintet lors du dernier festival Jazz or jazz, il y a un an.
Un son reconnaissable entre mille
Emile Parisien devait nous présenter cette année son dernier enregistrement, Double Screening, avec son quartet Julien Touéry au piano, Julien Loutellier à la contrebasse et Ivan Gélugne à la contrebasse. On peut se consoler avec les morceaux proposés par la liste de la Scène nationale, mais il est évident qu’un musicien comme lui est plus intéressant, plus touchant en public. Surtout avec son légendaire jeu de pieds, qui indique seulement l’implication physique de son jeu. Il sait partir dans des envolées absolument fascinantes et irrésistibles. On en a une idée dans Hysm, morceau tiré du cd Belle époque, où le son Parisien éclate dans tout son éclat, sa richesse, sa puissance mélodique et sa séduction. Partie remise pour un concert orléanais, espérons-le !
Brad Mehldau, Larry Grenadier, Jeff Ballard, © Nonesuch
L’un des très grands pianistes actuels
Un autre concert du même festival constituait à lui seul un événement, celui de Brad Mehldau. Il avait demandé à Stéphane Kochoyan, le programmateur du festival, toute la soirée, habituellement coupée en deux concerts. Trois heures de musique avec son trio habituel, Larry Grenadier à la contrebasse et Jeff Ballard à la batterie. Ils réinventent cette formation de jazz pourtant déjà largement explorée, ne serait ce que par Keith Jarrett, Gary Peacock et Jack Dejohnette, excusez du peu ! Brad Mehldau fait partie des très grands pianistes de notre époque. Avec un jeu de mains qui peuvent être autonomes, Brad a une technique époustouflante. Mais c’est surtout son énorme culture musicale qui ressort. Il se nourrit de musique, mange, absorbe tout ce qui passe auprès de lui et ressort toute cette énergie dans une expressivité rare et une maîtrise remarquable.Là encore, l’écouter fait toujours plaisir, mais le concert aurait dû être un moment d’exception.
Brad Mehldau, © Nonesuch
Pour se consoler encore plus, on peut aussi écouter les huit heures d’interview proposées par l’ami Alex Dutilh dans son Open Jazz de France Musique, à trouver sur le site de l’émission.
Et dès que l’on a du nouveau pour les éventuels remplacements de ces concerts, on s’en fera bien évidemment l’écho.
Bernard Cassat