Orléans : Les Zouaves Pontificaux

Dr Jean Paul Briand

Cette période de confinement laisse beaucoup de temps à la lecture. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas,  je conseille l’extraordinaire site Gallica de la bibliothèque nationale de France (BnF). Plus de 6 millions de documents y sont en ligne. Attention, c’est un site « addictif » dont il est bien difficile de se désintoxiquer. Une de mes dernières ressources consultées sur Gallica est le récit de la campagne de France des « Zouaves pontificaux ».

 

La bataille des Aydes

Très proche de ma maison natale (ma mère m’ayant accouché, à l’ancienne, faubourg Bannier), à la frontière entre Saran et Fleury les Aubrais (Loiret), à la jonction de l’Ancienne Route de Chartres et du faubourg Bannier, existe une stèle. Son piédestal, en granit gris des Vosges, est surmonté d’une statue en bronze représentant deux soldats, l’un tirant en direction du nord, l’autre, à ses pieds, est blessé. Plusieurs inscriptions sont gravées sur les quatre faces. Elles sont dédiées aux combattants héroïques de la guerre de 1870 qui ont lutté, sans succès, afin d’empêcher l’entrée des Prussiens dans Orléans.

Un autre monument commémore ce même sacrifice des soldats tombés à la bataille des Aydes, le 11 octobre 1870. C‘est une obélisque dressée sur la fosse où sont ensevelis les combattants. Elle est située à Fleury les Aubrais, à la sortie du tunnel de l’Ardoise, dans l’ancien champ des Sabliers, rue du Onze Octobre. Sur ces deux monuments, il est fait allusion aux chasseurs à pied, à la Légion étrangère et aux « Zouaves pontificaux ».

En effet, les défenseurs d’Orléans, étaient pour la plupart des étrangers. Ces Autrichiens, Suisses, Belges, Roumains, Espagnols, Italiens, enfants de toutes les nations, appartenaient à la Légion étrangère commandée par le Commandant Arago. Ce dernier fut tué, ce 11 octobre 1870, d’une balle dans le cou, devant le 423 du faubourg Bannier. Aux côtés de la Légion étaient ces fameux « Zouaves pontificaux ».

Les mercenaires du Pape Pie IX

En 1860, le Pape Pie IX est menacé par l’unification de l’État italien menée par le général et patriote, Giuseppe Garibaldi, célébré par les plus grands écrivains français, notamment Victor Hugo, Alexandre Dumas et George Sand. Afin de protéger le Pape, de lutter contre « l’Antéchrist Garibaldi et ses chemises rouges », le cardinal Xavier de Mérode, camérier de Pie IX, décide de lever une armée de mercenaires recrutés dans les états catholiques. Partout, de nombreux prêtres lancent des appels à s’engager dans ce corps. Des quêtes et souscriptions sont effectuées car ces croisés devaient payer leur équipement militaire.

Les premiers volontaires seront essentiellement des Français, des Belges et des Néerlandais mais il y avait aussi des Suisses, des Allemands, des Italiens, des Canadiens et même des Américains. On les dote d’une veste-boléro, la « bedaïa », et d’un pantalon ample de type « sarouel ». Cet uniforme exotique, de couleur gris-bleu, rappelle celui des zouaves. Ils deviendront donc les « Zouaves pontificaux ». Ils prêtent serment au souverain pontife : « Je jure à Dieu Tout-Puissant d’être obéissant et fidèle à mon souverain, le Pontife Romain, Notre Très Saint Père le Pape Pie IX, et à ses légitimes successeurs. Je jure de le servir avec honneur et fidélité et de sacrifier ma vie même pour la défense de sa personnalité auguste et sacrée, pour le maintien de sa souveraineté et pour le maintien de ses droits ». Les Zouaves morts au combat apparaissent aux yeux de beaucoup de catholiques de l’époque comme des martyrs…

La Légion des volontaires de l’Ouest

En 1867, après quelques escarmouches, les garibaldiens réussissent à envahir l’État pontifical. Ils sont alors refoulés par l’armée des Zouaves, aidée par un corps expéditionnaire français venu au secours du Pape. En 1870, la guerre franco-prussienne étant déclenchée, le retrait des troupes françaises auprès du « Saint-Siège » est décidé. L’armée républicaine italienne en profite pour envahir Rome. Le Pape capitule le 20 septembre 1870, licenciant dans la foulée son régiment de Zouaves. Les Zouaves pontificaux, sous le commandement du Colonel Athanase de Charette de la Contrie, sont aussitôt rapatriés sur Toulon.

En France, Charette, nommé général, propose les services de ses troupes au gouvernement français qui l’autorise à fonder un corps franc, sous condition de changer le nom des Zouaves pontificaux en Légion des volontaires de l’Ouest. Ce sont ces hommes qui sont sacrifiés à la bataille des Aydes, le 11 octobre 1870. Après ce fait d’arme, au printemps 1871, le gouvernement français demande au général Charrette de participer, avec les survivants de son armée, à la répression de la Commune de Paris. Charette refuse et le corps d’armée des « Zouave pontificaux » est dissout…

Une réminiscence enfantine à solder

Pourquoi cet intérêt pour les « Zouaves pontificaux », ces militaires cléricaux, mercenaires de l’Eglise, alors que certains m’imaginent être un « mécréant laïcard et antimilitariste » qui a pour patronyme celui du rapporteur de la loi de séparation des Églises et de l’État, prix Nobel de la paix ?

La raison est une réminiscence enfantine à solder : enfant, longtemps on m’a fait croire que le soldat de la statue de bronze pointait son fusil Chassepot sur la fenêtre de ma chambre, afin de m’interdire de m’y pencher…

Jean-Paul Briand

Commentaires

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  1. Je pense qu’il aurait été intéressant d’évoquer le rôle des zouaves pontificaux dans la bataille de Loigny et de citer le nouveau musée de Loigny-la Bataille.
    On peut également aller sur le site très documenté de “Loire1870”, avec une imposante masse de renseignements bien organisée et une belle bibliographie. On peut en parler …

    • Merci Jean-Marc pour ces informations. Je ne suis pas historien. C’est un billet pour évoquer un souvenir de ma petite enfance passée dans ce quartier. Par ailleurs, il y a une “jauge journalistique” à respecter (800 mots environ) qui ne permet pas d’explorer tous les aspects de la bataille des Aydes. C’est pourquoi j’indique quelques liens pour celles et ceux qui veulent aller plus loin…

  2. Serait-ce là l’origine de votre anti militarisme ? Comme quoi un traumatisme peut entrainer une résilience bénéfique (pour ceux qui partagent votre rejet) .

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