« Âme brisée », lire (entre) les lignes

Nous sommes en 1938, à Tokyo, en pleine guerre sino-japonaise. Un quatuor à cordes répète Rosamonde de Schubert, quand des soldats font irruption, molestent les musiciens, cassent l’instrument de Yu, le premier violon. Sous les yeux de son fils. Rei a 11 ans, il ne reverra plus son père. L’officier responsable de l’escadron arrive trop tard : il ne peut empêcher la violence des militaires. À sa demande et avant d’être arrêté, Yu exécute la Gavotte en rondeau de Bach. L’officier semble bouleversé. Il protège l’enfant et lui remet le violon détruit de son père.

Dès le titre Âme brisée, on comprend que le roman d’Akira Mizubayashi est à lire à double sens. Il y a le réel, l’événement tragique qui augure une histoire forte et grave, mais il y a aussi le symbolique, le prolongement, les résonances infinies qui vont nous être contées.

En effet, si l’âme est ce qu’il y a de plus profond en l’homme, elle est aussi cette petite pièce de bois placée au cœur du violon, qui permet la propagation des vibrations et qui donne sa personnalité, le son unique à chaque instrument. Le titre n’est pas anodin.

Le récit, d’une écriture fine et précise, est rythmé sur le temps, celui de la musique, celui de la rencontre, celui de la reconstruction. Deux personnages principaux vont faire ce chemin, Rei devenu un vieil homme et cette jeune violoniste célèbre qui joue et re-joue Rosamonde

Akira Mizubayashi, écrivain et universitaire japonais né en 1951, nous offre un roman fort, empli de sensibilité, d’émotion, de musique. Si les étapes depuis 1938 jusqu’à nos jours nous entraînent de Tokyo à Paris en passant par la Chine, via Mirecourt et Crémone, le Japon et sa culture y tiennent une place prépondérante. On voit la cérémonie du thé, on sent l’odeur des cerisiers en fleurs, on partage la déférence dans les relations, on ressent la présence des ancêtres.Mais surtout on est emporté par la force de l’histoire, la tragédie de la guerre, le long chemin vers une renaissance qui n’oublie rien et s’enrichit du passé, du temps, de la rencontre.Å

Un livre qui ne laisse pas indemne et dont la lecture, tout comme la musique de Schubert ou Jean-Sébastien Bach, nous accompagne longtemps…

Anne-Cécile Chapuis

Âme briséeAkira MIZUBAYASHI – Editions Gallimard, 2019, 241 pages.

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