Avec la fermeture des établissements scolaires due à la pandémie de la Covid-19, les élèves se retrouvent confinés à la maison. Une nouvelle occasion pour les enfants et les ados, une fois les devoirs et cours en ligne finis, d’ajouter des heures de télévision, d’ordinateur, de tablette et de smartphone à des habitudes numériques déjà ancrées. Jean-Paul Briand, médecin généraliste à la retraite, met une nouvelle fois en garde sur les méfaits des écrans.
Notre quotidien est envahi par Internet, les applications, les réseaux sociaux, la télévision… Jusqu’où ne pas aller ?
On voit des parents qui donnent des smartphones à des très jeunes enfants en poussette pour les faire patienter, d’autres qui laissent leurs ados utiliser leur téléphone portable à table, alors que le repas est un moment d’interaction et de structuration pour les enfants : ça, ce n’est pas tolérable !
Quels sont les effets physiques et psychologiques qui peuvent apparaître ?
Quand on utilise les téléphones le soir tard ou dans la nuit, l’écran envoie de la lumière bleue qui inhibe la mélatonine, l’hormone du sommeil. Consulté de trop près, cela peut développer ou aggraver une myopie. La passivité face aux écrans peut aussi conduire à l’obésité. L’enfant, l’ado, va passer plus de temps à regarder du sport à la télévision qu’à en faire ! Les écrans accaparent du temps sur les activités et, selon les pédiatres, entraînent des troubles du développement au niveau de l’attention et du comportement avec parfois l’apparition de conduites violentes. Autre point : pour certains adolescents, l’usage du numérique donne l’occasion de découvrir une sexualité déviante par la consultation de sites pornographiques où la femme est brutalisée, dégradée, dont ils peuvent penser que c’est la normalité.
Les écrans développent-ils une addiction ?
Indéniablement, une addiction comportementale et à un objet. Il existe un rapport compliqué, quelquefois dommageable, notamment sur des personnalités fragiles, sur un être en construction, chez un jeune perturbé ou en rupture sentimentale. A contrario, chez certaines de ces personnes un smartphone, un ordinateur, une tablette peut apporter un mieux-être et un réconfort.
Quelles recommandations faites-vous ?
Pas d’écran avant 3 ans ! Un accompagnement dans l’usage par les parents pour les enfants de 3 à 10 ans en instaurant des règles fermes. Avant 10 ans, sans contrôle, l’effet est délétère. Une attention de la part des parents reste nécessaire en accordant l’usage des écrans pour des moments de récupération d’une fatigue, des moments de détente…
Le Ministère de l’Éducation Nationale a aussi une responsabilité : il doit accorder une place déterminante à l’éducation au numérique dans l’enseignement. Aider à faire la différence entre opinion et connaissance est indispensable. Enfants comme parents ont besoin d’être formés à une utilisation rationnelle et raisonnable des écrans en fixant des limites, des codes d’usage dans les familles. Instaurer pourquoi pas des « jours sans… » : l’usage aberrant du numérique conduit à l’appauvrissement du vocabulaire. Supprimer la télé c’est courageux et bénéfique !
Le numérique a toutefois des côtés positifs…
Bien sûr. Il peut être un soutien contre la solitude, les réseaux sociaux favorisent le lien social. Le numérique améliore la performance intellectuelle grâce à son ouverture sur le monde et les outils de connaissances mis à disposition. Il peut être aussi une porte d’entrée éducative. Le tout est de solliciter avec discernement et sens critique les informations reçues et de dosage.
Propos recueillis par Estelle Boutheloup