Jamais la musique d’ensemble n’aura si bien porté son nom… C’est en effet cet « ensemble » qui donne toute sa présence, sa cohérence, sa raison d’être aux pratiques musicales instrumentales et vocales. Que ce soit en orchestre symphonique, harmonie, fanfare, chœur, ou ensembles vocaux, la polyphonie règne sur l’expression musicale.
© Hörbst Rupert 2020
L’on connaît bien l’instant magique du concert, avec sa rencontre avec le public, mais celui-ci est précédé de nombreux contacts qu’on appelle Répétitions.
Contact, vous avez dit contact ? Hors de question en ce mois de mars 2020, un moment qui fera date dans l’histoire de l’humanité !
Lien social
Tous les concerts sont annulés, toutes les répétitions aussi a fortiori. Alors qu’en est-il du lien social ? Car, ne l’occultons pas, les répétitions, qu’elles soient ciblées et concentrées sur une production comme pour les ensembles professionnels ou qu’elles soient régulières comme pour les ensembles amateurs, toutes créent de la cohésion sociale.
Le « jouer ensemble » suppose adaptation, écoute, co-élaboration, dans un objectif musical plus complexe qu’il n’y parait. Bien sûr, il convient de respecter la partition et de s’imprégner de l’intention du compositeur mais au-delà s’insinuent toutes les nuances de l’interprétation. Le chef d’orchestre ou de chœur en est le garant mais chaque musicien y a sa part de responsabilité. Et tous les membres de formations musicales connaissent bien cette construction, besogneuse au début, pertinente ensuite, révélation enfin, qui donne à la musique cette place d’éternité.
Ce travail n’est pas toujours sans heurts, il peut y avoir des dissensions, les ego ne sont pas toujours mis de côté, des rivalités se font parfois jour… mais ceci participe du lien social, lequel n’est pas synonyme de « bisounours » !
Non, il est beaucoup plus que cela.
Sans aller jusqu’aux sommets de l’élucubration mentale, ce lien social est celui qui fait exister, se reconnaître dans la connaissance de l’autre, mesurer l’importance du partage, s’enrichir des différences. C’est aussi celui qui rythme le temps, fait regarder au loin, miser sur les objectifs, se confronter aux limites et potentialités personnelles et collectives.
Aujourd’hui, cette pratique est en mode pause
C’est souvent dans les moments d’absence que l’on mesure la portée des choses. Paradoxe des antagonismes, prise de conscience dans le manque… La musique d’ensemble se tait, mais sa voix se fait entendre et résonne par delà son silence. La musique peut être un refuge, un soutien, une mise en sens. Et le lien social qu’elle génère est plus fort que les interruptions momentanées du son.
La nostalgie n’est pas de mise, l’on connaît les enjeux de ces mesures de confinement et chacun est conscient des priorités sanitaires. Là aussi, il y a du collectif, du partage de la prise de conscience.
Quand le jour viendra
Alors, utilisons cette période de repli pour écouter les enregistrements, explorer, faire vivre la musique et s’en inspirer pour tenir bon dans ces moments graves et inquiétants. Chaque instrumentistes ou choriste sait aussi qu’il peut – qu’il doit – poursuivre ses apprentissages, travailler son instrument, réviser ses partitions… développer tout ce travail souterrain qui sert de socle au brio du concert.
La pratique d’ensemble reviendra, reprendra ses droits, à l’image de notre société qui un jour reprendra la voie du faire ensemble
Et le chemin du concert refleurira, avec la rencontre entre les spectateurs, les interprètes et la musique, encore plus fort, encore plus émouvant, encore plus précieux dans ce qu’il représente de ressenti individuel, de résonance collective, et de lien social.
Dans l’attente, n’oublions pas que les silences, pauses, césures, respirations… font partie intégrante de la musique !
Anne-Cécile Chapuis