Portraits Municipales 2020 Orléans
Les 15 et 22 mars prochains les Orléanais auront le choix entre six listes et six candidats au poste de maire : Serge Grouard, Olivier Carré, Jean-Philippe Grand, Baptiste Chapuis, Nathalie Kerrien et Farida Megdoud. Leurs programmes, leurs listes sont désormais connus, des réunions publiques sont organisées, leurs engagements sont publics. Mais on connaît un peu moins les femmes et les hommes qui conduisent ces listes et dont l’une ou l’un sera fin mars la nouvelle ou le nouveau maire d’Orléans. Magcentre vous invite à les découvrir avec une série de portraits qui dépassent le simple cadre de l’engagement politique.
La tête de liste « Nous, Elle, Orléans » raconte ses premiers pas dans la politique et le chemin, parfois sinueux, qui l’a menée à se (dé)battre dans une campagne au « mauvais état d’esprit ». Fidèle à ses valeurs, elle mène ses combats d’une main de fer dans un gant de velours.
Nathalie Kerrien ©Magcentre
Si le Covid-19 ne permet même plus de se saluer d’une poignée de main, un sourire chaleureux vaut bien toutes les politesses. Et à moins de dix jours des élections municipales, c’est avec ce sourire spontané que Nathalie Kerrien nous accueille devant une tasse de thé. Elle a choisi le Troquet Royal, quai de Prague à Orléans, près du quartier Saint-Marceau où elle habite. La candidate, sans étiquette, explique qu’elle aime s’arrêter dans les bars de quartier. Parce que c’est précisément dans les quartiers qu’elle a grandi, à la Source (Orléans sud). Si elle aime la ville où elle est née, c’est moins son centre qui l’anime que ses faubourgs. Elle apprécie ce bar pour sa simplicité, loin des mondanités et sa vue sur la Loire. Lieu propice à quelques confidences.
Plusieurs vies dans une vie
« J’ai tout changé à 48 ans ! J’ai quitté France Télévision, j’ai fait une rupture conventionnelle pour faire de la politique, en 2013 juste avant de m’engager. » A 55 ans, la candidate a déjà vécu plusieurs vies. Après une maîtrise de lettres modernes à l’université d’Orléans, elle a d’abord exercé en tant que bénévole dans une radio. En 1986, elle est recrutée à Radio France et démarre sa carrière de journaliste. C’est à Radio France Tours qu’elle rencontre celui qui deviendra son mari : « Je suis arrivée là-dedans un peu par hasard comme productrice d’une émission et je ne suis pas restée longtemps parce que le patron de la radio c’est devenu mon mec ! On s’est dit qu’il fallait séparer les choses. » Elle a donc quitté ce poste et après un passage à radio France à Melun, elle est embauchée à la télévision (Antenne 2, ex France 2) pour y mener la carrière qu’on lui connaît. Si Nathalie Kerrien reste très attachée au journalisme, elle confie son ennui, précisant qu’elle était rédactrice en chef adjointe et que même si elle faisait encore un peu de présentation, elle se lassait de l’encadrement, « un métier complètement différent ».
Forte de son expérience, elle présentait des émissions politiques sur France 3 Normandie, à Caen, elle prend un virage. Elle quitte le journalisme pour entamer une carrière politique. En 2013, elle reprend ses études et suit un Master I de communication politique et, en 2014, rejoint les rangs de Serge Grouard. « Le maire sortant me connaissait car je l’avais interviewé je ne sais combien de fois et c’est lui qui m’a proposé d’être numéro 2 de sa liste. Je pense qu’il avait confiance en moi, on avait des relations saines. Il savait que j’étais de gauche (…), lui était totalement de droite. Il cherchait toujours des ouvertures dans sa liste. »
Adjointe à la culture, elle donnera, en parallèle, des cours de français dans un collège mais lorsqu’elle est élue conseillère départementale en 2015, elle arrête de travailler, « ça faisait trop », précise-t-elle.
Divergence d’opinion politique
Elle explique qu’elle ne partageait pas toutes les idées politiques du maire ou même ses choix mais appréciait d’autres choses comme « son engagement pour le développement durable ». Le départ précipité, pour des raisons de santé, du maire va l’obliger à collaborer avec son successeur Olivier Carré. Si elle admet une très bonne entente professionnelle les premiers mois, très vite, elle se rend compte de « sa manière de dériver (qu’elle) ne cautionnait pas du tout ». Notamment, parce que la compagne d’Olivier Carré était directrice générale adjointe dans la même délégation : « En gros ils décidaient de beaucoup de choses tous les deux et moi en tant que maire adjointe, plusieurs fois, je me suis sentie exclue », regrette-t-elle. Elle revient également sur le coup de grâce de l’été dernier lorsque Le canard enchaîné dévoile au grand jour, entre autres, les déplacements fastueux du maire : « Ça m’a écœurée, je l’ai mal vécu et j’étais un peu anéantie par cette sorte de violence qu’il y a eu très vite entre Serge Grouard et Olivier Carré et ça été très dur. »
Alors qu’elle n’était pas sûre de poursuivre sa carrière politique elle décide « de prouver qu’on peut faire autrement ». Elle lance sa propre liste « Nous, Elle, Orléans » et rassemble 55 colistiers « issus de milieux totalement différents (…) J’avais besoin de mêler toutes les générations, tous les milieux sociaux, tous les quartiers, je ne me reconnaissais pas dans les autres listes, je ne crois pas que je serais allée sur la liste de quelqu’un d’autre. »
Un caractère bien trempé
Elle déplore l’ambiance nauséabonde de cette campagne : « Si vous saviez ce que je subis de l’équipe du maire sortant, je suis surveillée, regardée, critiquée, commentée de manière assez sourde. » Elle précise qu’elle écrira plus tard ce qu’elle ne peut dire aujourd’hui. Mais la quinquagénaire ne se laisse pas impressionnée. « Je n’avais pas peur dans mon métier avant je n’ai pas peur aujourd’hui et je pense qu’il faut oser aller au bout. » Elle dit être « une petite joueuse » face à des adversaires aguerris mais défend son courage et sa pugnacité qu’elle tient de son caractère bien trempé et des années de sport intensif (basket et squash) qui lui ont donné le goût de l’entraînement et de la compétition et d’ajouter : « Il faut respecter son adversaire et être modeste. »
Elle défend aussi ses valeurs d’intégrité et de sincérité. « Dans ces deux métiers [journalisme et politique, NDLR], il y a un point commun, c’est qu’il faut aimer les gens. Je fais les métiers les plus détestés du monde. » Et si on l’interroge de ses choix en cas de défaite elle répond : « c’est une bonne question moi je n’ai pas la réponse (…) Si on rejoint une équipe il faut un peu s’entendre…avec Olivier Carré ce n’est pas possible. Dans l’équipe de Serge Grouard, je connais très peu de monde. Je ne me retrouve dans aucune liste. Jean-Philippe grand, je ne le comprends pas c’est quelqu’un qui a changé d’un coup ; moi je suis un peu psychorigide (…) je me demande si nous pourrions nous comprendre demain. »
Braver les difficultés avec aplomb
Cette fermeté dans sa prise de position, elle la doit aussi à sa vie de mère. Maman de Mathilde, 28 ans et de Pierre, 22 ans, elle a eu à se battre, notamment pour son fils, enfant à haut potentiel intellectuel, à la scolarité chaotique. Sans se plaindre, elle explique que c’est « très dur d’avoir un enfant précoce, il faut tenir, ça dure longtemps. Ça se termine bien car il va bien, mais ça été très dur ». Mais quelles que soient les difficultés qu’elle aborde, elle garde le sourire et la bonne humeur, confiante de ses choix car dans une campagne somme toute conflictuelle, elle retient avant tout « l’expérience d’une aventure humaine ».
La candidate, qui ne se veut d’aucun parti politique ni d’aucun soutien, droite dans sa veste de velours bleu marine et son col roulé, ne manque pas d’aplomb. Face aux concurrents, elle défend sa liberté : « Ces hommes qui sont assez sûrs d’eux, sûrs de leur pouvoir, il me regarde un peu de haut. Ils savent que je n’ai pas ma langue dans ma poche (rire) c’est pour ça aussi qu’il peut y avoir des attaques, ils savent que si je me mets à parler… » Elle fait référence au prochain débat télévisé sur France 3, du 11 mars prochain, en direct, sur son « terrain de jeu ». La candidate qui se veut « politiquement incorrecte (…) leur conseille d’être extrêmement vigilants ». Elle ajoute, amusée : « Le direct j’adore ! Parce que j’ai fait ça toute ma vie et ça permet de dire la vérité. Soit ça se passe calmement et gentiment parce que chacun est respectueux soit il y a un petit manque de respect et là… » Elle ne finira pas sa phrase.
Elodie Cerqueira
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