Merveille d’intimité pétillante. S’il est un spectacle qu’il ne faut pas manquer de voir actuellement à Paris, il s’agit bien de La Carpe et le Lapin, cadavre exquis, émouvant et souriant, offert jusqu’à fin mai, par Catherine Frot et Vincent Dedienne dans le merveilleux écrin qu’est le Théâtre de la Porte Saint-Martin.
Photo : Christophe Raynaud De Lage
Sur un plateau totalement dépouillé où s’articulent à vue, de bric et de broc savant, des mécanismes malicieux, ce duo mis en scène par les deux interprètes et Julie Anne Roth, nous offre, avec un charme fou, un merveilleux instant de chanson, de danse, de textes poétiques, alternant légèreté et profondeur, d’humour empli de délicatesse, de tour de farce légère qui relève du tour de force et d’une gestuelle d’humour irrésistible.
De manière surréaliste, ce spectacle d’une décapante et vive douceur, cite avec libre bonheur des bribes radiophoniques de notre société, verse fugitivement et avec pudeur des larmes sur nos artistes disparus et évoque avec profondeur des paroles de Christiane Tobira, Frédéric Dard, Marguerite Duras (renversant L’alcool), Samuel Becket ou de Louis Jouvet évoquant magistralement tous les yeux qui regardent l’acteur.
Toute la beauté fragile d’une poésie renversante
Impossible de ne pas évoquer les pures lignes d’Annie Ernaux, qui, dans Les Années évoque la fin de tout avec une simplicité bouleversante : « Tout s’effacera en une seconde, ce sera le silence et aucun mot pour le dire. »
Rappelés à n’en plus finir à l’issue de leur duo, lors duquel ils sont accompagnés au piano tour à tour par Patrick Laviosa et Thomas Février, Catherine Frot et Vincent Dedienne, ces deux complices s’émerveillant l’un l’autre, font tomber des cintres une pluie d’étoiles d’une éblouissante poésie en nous confiant enfin ces jolis mots d’Aragon : « Je vais te dire un grand secret, j’irai sous la terre et toi tu marcheras dans le soleil. » Voici une leçon de tendresse, une chanson pour rire et pour aimer par-dessus tout. Un véritable bonheur offert en toute confiante intimité. Ainsi soient-eux.
Jean-Dominique Burtin
La Carpe et le lapin, Théâtre de la Porte Saint-Martin, 18, boulevard Saint-Martin, Paris Xe. Jusqu’à fin mai. Du mardi au vendredi à 20 heures. Samedi à 17 heures et 20 h 30. Dimanche à 16 heures. Renseignements: 01.42.08.00.32. et portestmartin.com