Dr Jean Paul Briand
« La crise hospitalière se prolonge et se durcit » était le titre d’un précédent article dans Magcentre daté du 15 janvier 2020. Il y était relaté que cinq chefs de service hospitaliers, exerçant au CHR d’Orléans, étaient signataires d’une lettre de démission collective . Ces médecins annonçaient ainsi qu’ils s’associaient au mouvement national de protestation contre l’état de délabrement de l’hôpital public.
Des réformes financières et de gouvernance
Depuis le 12 février, avec un mois de retard, c’est trente chefs de service du centre hospitalier universitaire (CHU) de Tours qui rejoignent ce mouvement national . Parmi les trente signatures, n’apparaît pas celle du Pr Patrice Diot, pneumologue et doyen de la faculté de médecine de Tours. Ce dernier est devenu, le 6 février 2020, le président de la conférence des doyens des facultés de médecine pour un mandat de deux ans . Ceci explique-t-il cela ?
CHU de Tours
Alors que les protestataires orléanais ne réclamaient rien pour eux, il semble qu’il n’en soit pas de même pour les patrons tourangeaux. Dans leur lettre , il est désormais question de la nécessité de mettre en place « une revalorisation significative des salaires des soignants, en plus des diverses primes annoncées » et de « la réduction des disparités de revenus entre les professionnels libéraux et hospitaliers à qualification et activité comparables ». Ce sont des réformes financières et de gouvernance qui sont maintenant exigées par les démissionnaires.
Un exemple manifeste et désolant de l’hospitalocentrisme
L’actuel mouvement des hospitaliers universitaires semble ignorer les difficultés de la population pour accéder aux médecins de première ligne. Dans leur lettre de démission administrative de leurs chefferies de service, les mandarins tourangeaux n’y font à aucun moment référence. Pourtant, l’accessibilité aux médecins généralistes a baissé de 3,3 % entre 2015 et 2018 et va encore s’aggraver.
La région Centre Val de Loire est devenue la championne de France de la désertification médicale. A aucun moment, les responsables du seul CHU de la région Centre Val de Loire, là où sont formés les médecins de demain, n’en tiennent compte dans leurs revendications. C’est un exemple manifeste et désolant de l’hospitalocentrisme qui sévit encore en France. Il est d’ailleurs considéré comme une des causes à l’inégal accès aux soins pour tous sur le territoire national par le Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie..
Rompre avec le modèle historique de notre organisation des soins
Afin de lutter efficacement contre ce que l’on nomme les déserts médicaux, une collaboration authentique entre l’hôpital et la médecine de ville, salariée ou libérale, doit être privilégiée. Les CHU doivent accepter de s’ouvrir, sincèrement et sans arrogance, vers les plus petites structures, les encourager, les animer. Les grands centres hospitaliers devraient accepter que chaque généraliste puisse avoir sa blouse à l’hôpital, trois à quatre heures par semaine, afin de mettre en place une relation constructive avec ses confrères hospitaliers.
Une telle collaboration serait salutaire et utile pour tous, professionnels de santé et patients. Elle permettrait d’abolir la hiérarchie médicale actuelle, quasi féodale, et de rompre à profit avec le modèle historique et dépassé de notre organisation des soins.
JPB