Dieu, si tu existes, délivre-nous de la connerie !

Dr Jean Paul Briand

Il y a quelques semaines une jeune fille, au regard clair, dénommée Mila, qui se présente comme homosexuelle, a voulu croire qu’elle pouvait libérer sa parole adolescente sur les réseaux sociaux. Elle déclare sur instagram : « Je déteste la religion. Le Coran est une religion de haine, l’Islam, c’est de la merde. Votre religion, c’est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci, au revoir. » Ses déclarations sulfureuses ont aussitôt déclenché des injures, des invectives ordurières, des menaces sinistres et préoccupantes. Tout ce déferlement haineux a entraîné les commentateurs professionnels, la classe politique et des responsables religieux dans un pandémonium médiatique excessif et absurde…

« Tout ce qui est excessif est insignifiant » postulait Talleyrand, alors pourquoi tant d’ébullition ? Les différents propos des protagonistes de cet imbécile et pitoyable incident numérique sont-ils l’expression d’une remise en cause de la liberté d’expression, des dangers des réseaux sociaux, du fanatisme religieux, abreuvé d’homophobie et de discrimination sexiste, de paroles blasphématoires et donc condamnables, du rejet de la laïcité ?

De la liberté d’expression

La liberté d’expression est le droit pour chacun de dire ou d’écrire ce qu’il pense. L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est inscrite dans la Constitution française : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». Même si être critiqué ou attaqué dans ses convictions est impossible à accepter pour les personnes radicalisées pour une cause, un parti, un club sportif, une religion, une vedette, un gourou, la liberté d’expression s’applique. On peut tout dire. Néanmoins, la Loi condamne les appels à la haine et à la violence. L’injure publique nominative à la personne, la discrimination et le racisme ne sont pas tolérés. Si l’on estime que certains propos, certains écrits ou certaines images dépassent les bornes et insultent, que la blessure est trop forte, on n’a pas le droit de menacer de mort l’individu auteur de l’outrage. Les offensés peuvent se tourner uniquement vers les tribunaux. Seuls des juges indépendants peuvent décider de ce qui doit être puni. La liberté d’expression est la base de toute démocratie authentique. Quelque soit l’objet, il est autorisé de dessiner, d’écrire ou de chanter son antagonisme.

Des dangers des réseaux sociaux

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Lorsque l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen a été voté en 1789, les réseaux sociaux n’existaient pas. On peut se réjouir que ces applications numériques que sont Facebook, Youtube, Instagram, Twitter, etc. permettent à des personnes de s’exprimer publiquement alors qu’autrefois elles n’auraient jamais eu cette possibilité. L’adolescence est une période de recherche de son identité où l’apparence compte énormément. Les réseaux sociaux sont un lieu d’expression où beaucoup de jeunes y consacrent un temps excessif. Ils n’ont malheureusement pas intégré que leurs paroles, leurs écrits deviennent publiques et restent sur la toile. Ils n’ont pas compris le poids des mots, les enjeux, les dangers d’une expression débridée, outrancière et vexatoire, qui se propage à la vitesse de la lumière de l’autre côté de la planète. Ce narcissisme, cette recherche d’attention et cette surexposition de soi, inhérente à l’adolescence, sont intensifiés par les réseaux sociaux et les prises de risques le sont tout autant.

Du fanatisme religieux

« Le fanatisme est un monstre qui ose se dire le fils de la religion », nous a dit Voltaire. Abreuvé d’homophobie et de discrimination sexiste, le fanatisme n’est pas spécifique, ni le monopole de l’Islam. La foi est respectable. Ce n’est pas une religion particulière qui rend haineux, mais la haine, qui préexiste chez certains, qui produit des fanatiques justifiant leurs méfaits par leur conviction religieuse. Les religions n’ont jamais cessé d’exacerber les haineux, de leurs permettre de perpétuer des meurtres et des mutilations sur des millions d’humains. Les religions sont toutes concernées par des mouvements de fanatisme. L’histoire des peuples l’a démontré d’une façon sanglante. Fanatisme, homophobie, domination de la femme sont des constantes des grandes religions monothéistes.

Du blasphème

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Dans son pamphlet Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes, finalisé deux jours avant son assassinat lors de l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo, Charb écrivait : « Les textes sacrés ne sont sacrés que pour ceux qui y croient. Même si certaines associations musulmanes et catholiques œuvrent depuis des années afin que le délit de blasphème soit reconnu et puni par la justice française, personne ne risque la prison pour avoir critiqué tel ou tel dogme religieux (…) Dieu n’est sacré que pour celui qui y croit. Pour insulter ou outrager Dieu, il faut être persuadé qu’il existe.» Tout est dit. En France, il n’y a pas de délit de blasphème et seul un croyant peut blasphémer car Dieu n’est respectable que pour ceux qui croient en lui.

De la laïcité

La laïcité est inscrite dans notre Constitution. Ses principes sont simples : la neutralité de l’État, la liberté religieuse et le pluralisme religieux. Dans l’affaire Mila, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a cru bon de déclarer que « l’insulte à la religion est évidemment une atteinte à la liberté de conscience ». Au delà de sa méconnaissance crasse du principe de laïcité et du droit français, comment est-ce possible qu’une haute responsable de l’État bafoue à ce point son devoir de neutralité ? Ces propos pouvaient même laisser penser que les menaces de mort  proférées contre Mila étaient justifiées. En quelque sorte, que cette jeune impudente et imprudente l’avait bien cherché. La ministre semble ignorer que la laïcité française protège les personnes en leur liberté de croire ou de ne pas croire et non les dogmes religieux.

De la connerie

Mila avait le droit d’utiliser sa liberté d’expression même d’une façon outrancière. Hélas, elle ne maîtrise pas les dangers des réseaux sociaux sur lesquels sévit le fanatisme, l’homophobie et le sexisme. Malgré les menaces de mort qui, après les attentats terroristes de ces dernières années, sont à prendre au sérieux, cette lamentable péripétie souligne le niveau affligeant de nombreux échanges sur les réseaux. C’est un nouvel exemple banal d’un affrontement ordurier entre individus incultes, immatures, désœuvrés et impulsifs, incapables de contrôler leurs discours irresponsables, imprégnés de bêtise et de vulgarité. C’est une illustration de la connerie humaine. Virus toujours plus virulent et plus résistant qui atteint les cerveaux de tous bords, de toutes écoles de pensée et de toutes croyances. Virus qui progresse de plus en plus vite grâce aux réseaux sociaux et dont les seuls traitements possibles sont l’éducation, la culture et la zététique (http://www.zetetique.fr/la-zetetique/).

Ce n’est pas le rire, le propre de l’homme, mais la connerie, aussi vieille que le monde.

Dieu, si tu existes, délivre-nous de la connerie !

Jean-Paul Briand

Commentaires

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  1. Merci à Jean-Paul Briand pour ce rappel des fondements laïques de notre république.
    Nous étions des millions à afficher JE SUIS CHARLIE
    mais si peu aujourd’hui à voir l’essentiel dans cette affaire !

  2. Dieu, si tu existes, délivre-nous aussi de l’anglomanie qui est de même une forme gluante de connerie : pourquoi cet associogramme “DEMOCRACY” au lieu de “DÉMOCRATIE” pour nous introduire vers cet intéressant article que j’estime bien mesuré ?

  3. J’espère que tous ceux qui ont proféré des menaces de mort et de viol contre Mila seront poursuivis par la justice.
    Car ces menaces relèvent du pénal.

  4. Bravo. Excellent article qui dit bien les choses et reprécise bien le cadre, pour ceux qui ne le connaîtraient pas. Et finalement, le plus inquiétant là dedans, c’est que ceux qui sont au pouvoir, instruits, en charge des plus hautes fonctions (je parle en l’occurrence de notre Ministre de la Justice Nicole Belloubet) tiennent les propos qu’ils ont tenus. Votre article le pointe fort judicieusement heureusement. Comme cela se fait dans le privé, une formation obligatoire préalable à prise de poste de tous les politiques pourrait être instituée pour que nos décideurs, quelle que soit leur orientation politique, ne se retrouvent pas à bafouer ainsi par leurs propos un certain nombres de principes fondamentaux.

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