Comme près de mille deux cents médecins hospitaliers dans toute le France, cinq cheffes* de services hospitaliers exerçant au CHR d’Orléans sont signataires de la lettre de démission collective envoyée à la ministre de la Santé ce 14 janvier. La Docteure Françoise Monceaux, responsable du service de pédiatrie générale au CHR d’Orléans en est signataire et elle nous explique pourquoi.
Le CHR d’Orléans.
MC Pourquoi cette démission collective aujourd’hui ?
Françoise Monceaux C’est un mouvement qui fait suite aux réponses données par la ministre de la santé sur les difficultés de l’hôpital public qui sont jugées insuffisantes et qui ne règlent pas les problèmes de fond. Même si effectivement il y a eu une importante somme d’argent qui a été promise pour renforcer les caisses de l’hôpital public , on a le sentiment que cela ne suffit pas. Je ne suis pas calée en chiffres mais clairement ceux qui s’y penchent de façon plus précise, peuvent dire que cela ne suffira pas pour arriver à améliorer la qualité du service public.
C’est un sentiment de découragement de tous les collègues, il se trouve qu’il y a pas mal de pédiatres dans le collectif parce que l’on est dans une spécialité qui ne “pése” pas beaucoup dans la comptabilité hospitalière, on se sent vraiment menacés par l’absence de moyens mis en œuvre pour l’hôpital public. On a aussi le sentiment que les sparadraps mis sur cette situation ne vont pas tenir la route longtemps et qu’il n’y a aucune vision à long terme. On est systématiquement sur les budgets annuels qui sont insuffisants systématiquement insuffisants et réduits parce ce que ça engage la sécurité sociale, mais on ne peut pas faire plus d ‘activités avec les mêmes moyens et notamment les mêmes moyens humains tout le temps, en nous demandant tout le temps plus.
MC Votre démission administrative s’inscrit dans un mouvement national ?
FM Je tiens à dire que je m’inscris moi, et mes collègues de l’hôpital d’Orléans, dans un mouvement national, la situation locale n’est pas brillante parce que l’on est dans une désertification médicale et que c’est compliqué de plus en plus de gérer d’avoir une bonne prise en charge de l’hôpital parce qu’effectivement on n’est de plus en plus sollicité mais néanmoins les difficultés sont nationales, la direction de l’hôpital est pieds et poings liés par ce qu’on lui impose au dessus .
MC Quelles peuvent être les conséquences pour les patients ?
FM Très honnêtement pour les patients, une démission de chef de service cela n’a aucune incidence pour les patients, sur le travail purement médical, mais c’est peut être cela le sens aussi de notre démarche qui est de recentrer les choses sur le patient, de prendre en compte la meilleure qualité des soins pour le patient plutôt que les tracasseries administratives. On va être sur des arrêts de réunions institutionnelles ce genre de choses, tout ce qui est réunion, tout ce qui est organisationnel va être laissé de côté, c’est l’objectif .On n’a pas encore démissionné, on attend de voir si cela bouge du côté du ministère mais en aucun cas la démission n’engendrera de conséquences pour les patients, bien évidemment. La dégradation de l’hôpital public entraîne une dégradation de la prise en charge des patients: le but de ce mouvement c’est d’éviter que cette dégradation s’installe.
MC Et la situation en Région Centre ?
FM La réalité concrète de l’hôpital plutôt l’offre de soins de région n’est pas que hospitalière c’est à dire que dans le libéral c’est là aussi on on s’inscrit dans une démarche commune avec la médecine libérale même si là c’est un collectif de médecins hospitaliers qui est sur le devant de la scène et l’objectif c’est justement de garder le lien, de remettre le lien entre l’hôpital et le libéral qui s’étiole, et pas par la volonté des médecins.
En région Centre notamment on a un tel manque de médecins que c’est compliqué pour tout le monde, pour les libéraux, pour les hospitaliers avec un afflux de patients qui ne peuvent pas être pris en charge en ville et on a l’impression que cette situation là il y a vingt ans quand je suis arrivée, il suffisait de regarder la démographie et je peux parler plus de la pédiatrie parce que c’est ma spécialité, pour savoir que si l’on ne faisait pas de vrais efforts d’attractivité on allait être dans les soucis et là on y est. La difficulté c’est de trouver les moyens d’attirer des médecins dans la région.
MC Quelle peut être l’issue de ce conflit ?
Ce que l’on attend c’est un vrai engagement sur des mesures concrètes, j’aimerais en ce qui me concerne, qu’il y ait une évaluation de la situation sur le terrain.On met des rustines mais on ne regarde pas les problèmes, les situations vraiment difficiles Il faut une meilleure prise en compte, une meilleure connaissance et reconnaissance des situations que vivent les soignants, et pas que les médecins mais tous les soignants, la connaissance du travail quotidien et des vraies difficultés. Avec une implication réelle des soignants dans les décisions qui concernent leur travail et leurs patients parce que nous sommes vraiment centrés sur l’amélioration de la prise en charge des patients, pour que ce collectif budgétaire qui a été mis en place soit d’abord augmenté et surtout qu’il soit attribué aux situations qui posent vraiment problème
Propos recueillis par Gérard Poitou
*(*) Dr Pouzac (cheffe de chirurgie pédiatrique), Dr Monceaux (cheffe de pédiatrie générale), Dr Guerreiro (responsable du Smur néonatal), Dr Werner (cheffe de la réanimation néonatale et pédiatrique) et Dr Mongeois (responsable du service diabéto-endocrino-nutrition).