Santé : quelle politique de prévention ?

Dans de nombreuses réunions et autres conférences sur la santé, où sont invités des femmes et des hommes politiques investis dans la vie publique, le mot « prévention » revient régulièrement dans leurs discours. Mais de quoi parlent-ils en réalité ? A quoi correspond ce concept de prévention, invoqué depuis tant d’années ? Trop souvent danger et risque, dépistage et prévention sont confondus. A contrario, la notion de réduction des risques n’est que très rarement évoquée.

Par Jean -Paul Briand

Vivre, c’est encourir de multiples et d’authentiques dangers

Vivre, c’est encourir de multiples et d’authentiques dangers, pour autant ce n’est pas synonyme systématiquement de maladies, de souffrances ou d’effets délétères sur la santé. Les conséquences d’une exposition potentiellement dangereuse sont en rapport avec le mode, la fréquence, la durée, le degré d’exposition mais aussi, dans certains cas, de la capacité de résistance, de résilience ou d’adaptation acquise ou innée. Un boxeur professionnel va encaisser, sans trop de dégâts, de nombreux coups puissants qui auraient des conséquences dramatiques physiques et psychologiques, parfois irréversibles, chez toute autre personne non entraînée. Un agriculteur respirant régulièrement des pesticides lors de leur pulvérisation sur ses champs à un risque bien supérieur d’intoxication que la population générale.

En santé, qu’est-ce qu’un danger, un risque, un facteur de risque ?

  • Un danger sanitaire est toute source potentielle d’atteinte à la santé, toute cause éventuelle de maladie, de dommage, de préjudice ou d’effet nocif à l’égard d’une personne.
  • Un risque est la probabilité qu’une personne subisse des effets dommageables pour sa santé en cas d’exposition, volontaire ou non, consciente ou pas, à un danger.
  • Les facteurs de risque sont des éléments qui influent directement sur le degré et la probabilité du risque.

Classiquement, les facteurs de risque désignent les éléments augmentant le risque évoqué. Ainsi le tabagisme, une tension artérielle anormalement élevée, le diabète sont des « facteurs de risque » de maladies cardio-vasculaires, c’est à dire des éléments favorisant la survenue d’accident cardiaque ou cérébral.

Les différents niveaux de prévention

La prévention est souvent mise à toutes les sauces. Il convient de clarifier. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la prévention se décline en trois niveaux :

  1. la prévention primaire est destinée à réduire l’apparition de nouveaux cas d’une maladie (incidence) dans une population saine, donc à combattre les causes et les facteurs de risque de la maladie visée. La vaccination, la promotion du sport, la lutte contre l’obésité en font partie ;
  2. la prévention secondaire veut ralentir l’évolution ou diminuer la durée d’une maladie dans une population atteinte par cette maladie. C’est à ce niveau que se situe le dépistage ;
  3. la prévention tertiaire cherche à diminuer les incapacités chroniques, en réduisant les séquelles, les invalidités liées à une maladie ou à son traitement. Elle agit sur les complications et les possibilités de récidive. Elle vise la réadaptation du malade, sous la triple dimension du médical, du social et du psychologique.

A une époque où les avancées de la science sont omniprésentes, les enjeux économiques colossaux et les exploits médicaux fortement médiatisés, il existe une prévention quaternaire qui a pour objectif de faire appliquer la règle  « Primum, non nocere ». Cette prévention quaternaire doit permettre d’identifier les risques de surmédicalisation afin de protéger les patients d’interventions médicales abusives, de procédures de soins agressives et éthiquement discutables. Elle veut aussi empêcher que de nouvelles maladies ou pseudo-maladies apparaissent du fait de politiques de dépistage déraisonnables ou non validées, d’intérêts financiers irresponsables et lorsque les frontières entre le normal et le pathologique deviennent floues… Jules Romains nous avait prévenu de ce risque quand son Docteur Knock déclarait que « les gens bien portants sont des malades qui signorent ». Ainsi le dépistage de masse du cancer de la prostate (https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Le-depistage-du-cancer-de-la-prostate-S-informer-avant-de-decider) n’est pas conseillé, voire délétère.

Les règles d’un dépistage efficient

Pour être efficient, le dépistage des cancers doit utiliser des tests sensibles et spécifiques. Les méthodes déployées doivent avoir la capacité de donner d’une part un résultat positif lorsque la maladie est authentiquement présente et d’autre part un résultat négatif lorsqu’il n’y a pas de maladie. Par ailleurs tout dépistage doit obéir à 10 critères définis par l’OMS :

  1. La maladie dépistée doit constituer une menace grave pour la santé publique.
  2. Il doit exister un traitement dont l’efficacité a été démontrée.
  3. Il faut disposer de moyens appropriés de diagnostic et de traitement.
  4. La maladie doit être décelable pendant sa phase de latence ou au tout début de la phase clinique (quand les premiers signes de la maladie apparaissent).
  5. Il faut qu’il existe un examen de dépistage fiable et reproductible en conditions de dépistage
  6. Il faut que l’épreuve utilisée soit acceptable pour la population.
  7. Il faut bien connaître l’histoire naturelle de la maladie, c’est à dire son évolution sans traitement.
  8. Il faut que le choix des sujets qui recevront un traitement soit effectué selon des critères préétablis.
  9. Il faut que le coût de la recherche des cas ne soit pas disproportionné par rapport au coût global des soins médicaux en rapport avec la maladie.
  10. Il faut assurer la continuité d’actions dans la recherche des cas et non la considérer comme une opération exécutée « une fois pour toutes ».

La réduction des risques

Hors de la prévention et du dépistage, il existe une autre voie qui n’est pas encore entrée dans les moeurs françaises. Les Pays-Bas ont inventé le concept de « Harm reduction » (littéralement réduction des méfaits),  traduit approximativement par « réduction des risques ». Si un individu est en situation de danger et qu’il n’est pas possible de le soustraire, il faut essayer de réduire les dommages qu’il subit. Les Hollandais ont inauguré cette politique de « réduction des risques » avant les années 80 vis à vis des toxicomanes.

Tout le monde sait que le tabac reste la première cause de mortalité évitable dans notre pays : la cigarette y tue 1 personne sur 8. Alors que la nicotine n’est pas cancérogène et que ce sont les goudrons inhalés qui déclenchent cancers et maladies cardio-vasculaires, les pouvoirs publics, englués dans leur principe de précaution, refusent encore de promouvoir le « vapotage » de la cigarette électronique qui permettrait une réduction salvatrice des risques pour de nombreux accrocs à la cigarette…

Des actions de prévention, hors du champ médical

Pour l’OMS, la santé se définie non seulement comme « l’absence de maladie ou dinfirmité, mais aussi comme un état de complet bien-être physique, mental, social ». L’éducation à la gestion du capital santé de chacun, le combat contre les pollutions et l’habitat insalubre, la promotion du sport de loisir et d’entretien, l’apprentissage dès le plus jeune âge d’une alimentation saine et cuisinée à la maison, la lutte contre l’isolement, l’aménagement des espaces publics pour les handicapés sont toutes des actions de prévention très efficaces, hors du champ médical. Les décideurs politiques peuvent les mettre en œuvre ou les soutenir sur le territoire national mais aussi localement.

Si l’accès aux soins pour tous ne doit pas être négligé, la réduction des risques et la lutte contre toutes les causes de mal-être doivent devenir des priorités.

Commentaires

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  1. S’il y a des accrocs à la cigarette, la fumée sort par ces trous mais ça n’entraîne pas de risques supplémentaires !
    Et si l’OMS définit (avec un T) la santé comme “un état de complet bien-être physique, mental et social”, il n’y a guère de Français en bonne santé, surtout depuis les initiatives du gouvernement mis en place par M. Macron !
    Bonne Année à toutes et tous.

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