Reconnaissance et émotion. C’est juste un peu plus d’une heure d’un festival de jazz et de cœur que l’association O’ Jazz et la Scène nationale d’Orléans ont dédié ce samedi à Jean-Louis Derenne, fondateur de l’association O’Jazz, homme de culture, écrivain, producteur, journaliste orléanais disparu le 11 juillet dernier. Dans le grand hall du Théâtre d’Orléans s’est ainsi tenu, pour plus de trois cents spectateurs, le dernier Samedi du jazz, cycle de fameux rendez-vous, ultime concert conjuguant intimisme, standard, création, et réunissant la fine fleur des musiciens régionaux qui ont joué en merveilleuse osmose à bord de leur âme et au creux du frisson du public.
cl Marie Line Bonneau
A l’heure émue des répétitions
Dés le matin, lors d’une pause entre les répétitions à la gravité chaleureuse, tous évoquent avec pudeur leur admiration pour Jean-Louis Derenne . L’un souligne l‘énergie qu’il insufflait, son enthousiasme, son amour de tout mettre en œuvre pour aller chercher les moyens nécessaires afin de promouvoir les artistes régionaux. C’est une histoire qui s’arrête trop brutalement et qui nous laisse un vide immense poursuit-il .J’ai vécu des moments ultra forts avec lui dit un autre, c’était un homme aux mille et une casquettes qui a fait vivre le jazz, c’est une montagne qui est tombée et je croyais impossible qu’elle puisse disparaître aussi brutalement. L’un des acteurs du concert ne peut quant à lui que se remémorer une belle aventure musicale et humaine, celle de la Caravane de jazz sur la Loire, grand événement tel un navire allant toutes ondes dehors.
“Il était un humaniste cultivé poursuit l’un des interprètes, un être bouillonnant composant avec deux des qualités qui l’habitaient , deux pôles, celui de la raison, et celui de l’instinctif.
Il était toujours souriant reprend l’un des partenaires, quelqu’un d’une grande humanité , passionné par toutes les formes du jazz et j’aimais sa prise de risque dans ses programmations. Il a cru en moi, m’a donné des conseils, je ne sais pas si j’aurais eu la confiance de continuer sans son soutien. Derniers mots de l’un des membres de l’équipe: C’est avec le cœur gros que je vais jouer aujourd’hui, je luis dois beaucoup et je sais pourquoi je viens, juste pour le remercier.”
Un concert d’une prenante intensité
Dès les premiers moments du concert, dés cet instant où se disperse l’essaim de notes bleues délivrées par des musiciens tels des alchimistes animés par le bonheur de jouer ensemble et d’offrir au public le plus beau, le plus doux, le plus dansant de leur art, le public est sous le charme.
Bernard Cassat, président de l’association O’ Jazz, association qui va mettre fin à son action dans quelques temps, évoque sobrement dix ans d’activité, quatre-vingt huit Samedis du jazz, moult participations aux festivals de jazz de la cité et la publication de six CD. Il tient, lui aussi, à sobrement saluer celui qui s’investissait sans compter, évoque son attirance pour la culture américaine, son plaisir du partage et du professionnalisme, le rythme d’un militant du jazz qui ne voulait que rien ne s’effiloche jamais. Coup de chapeau également aux techniciens son de ce concert, Richard, Vincent, Jean-Paul et Denis.
cl Marie Line Bonneau
En ouverture, avec I hear a rhapsody, la basse de Stéphane Decolly, le piano de Jean-Christophe Briant et la batterie de Bertrand Hurault invitent à poser la tête sur l’épaule de la mélancolie. Puis surgit cette fièvre douce qui s’empare du grand huit de ce trio ne cessant de nous propulser dans le chant lumineux des respirations musicales.
Très belle est encore une reprise par le saxophoniste David Sevestre d’une pièce d’Antoine Bernollin autour de Jack Kerouak . Ici la fragilité est fébrile, et l’énergie enthousiasmante du jeu colle le frisson. Eloquent et bouleversant est aussi Farewell, pièce composée en hommage à Jean-Louis Derenne par ce même Antoine Bernollin. Le souffle du sax est ici d’une souveraine légéreté et le toucher du piano digne des plus subtils battements d’ailes.
Continuant de conjuguer magistralement les compositions qui étreignent, les musiciens interprètent aussi Pat Metheny et Carla Bley. Le vibraphone de Benoit Lavollée est inspiré, empli d’une tendresse contenue, porteur d’un véritable arc- en- ciel de folles nuances. Trés applaudis sont encore les imparables chorus de Jan-Jacques Ruhlmann sur I remember you ainsi que le Rainy Day donné par Jean-Jacqies Taïb et Guillaume Dettmar jouant à fleur de larmes. Superbe est enfin cette Danse 1 , composition effrénée de Guillaume Dettmar au toucher de feu qui apporte, en compagnie du jeune bassiste Victor, un point d’orgue à un très beau moment qui nous laisse pantelant de bonheur et de gratitude.
Jean-Dominique Burtin.
Photos: Marie-Line Bonneau. Merci de ne pas utiliser les photos sans l’autorisation de celle-ci.
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