La grève contre la réforme des retraites ne faiblit pas. Le bras de fer engagé par les syndicats contre le gouvernement tient bon, on dirait même qu’il s’intensifie. Revigorés par l’élan du 5 décembre qui a jeté un peu partout les Français dans la rue, les syndicats tiennent le haut du pavé et n’entendent pas le lâcher. Pour l’heure, les transports sont encore largement paralysés. Chaos total sur les routes de la région parisienne et à l’entrée de l’ensemble des grandes villes; usagers jouant des coudes pour tenter de monter dans les rares transports en service; vélos, trottinettes, scooters se frayant dangereusement un chemin parmi les piétons agacés… la mobilisation demeure massive contre le « système universel » de retraite voulu par le président Macron et dont personne ne connaît encore les tenants et les aboutissants exacts. Gênés, de nombreux travailleurs du secteur privé se sont résolus à prendre le volant. 620 kilomètres de bouchons ont été enregistrés autour de 08H30 sur les routes de la région parisienne.
Le Président au pied du mur
Les syndicats entendent maintenir la pression sur l’exécutif qui doit préciser aujourd’hui concrètement comment il compte refondre les 42 régimes actuels dans un système universel où l’on ne cotiserait plus par trimestre mais par points accumulés tout au long de sa carrière, ce qui, selon les opposants, entrainerait une « précarisation » des pensionnés. Quelles en seront les modalités ? Pénibilité, date de départ, durée de cotisation, horaires décalés, périodes à temps partiels, mais aussi déficit à équilibrer et à combler autant de « détails » qu’il reste à ajuster et à rendre publics. Au cas où ce ne serai pas satisfaisante nouvelle journée de mobilisation, jeudi, est « déjà en réflexion ».
Que le chef de l’Etat baisse sa garde devant les syndicats et il en sera fini de ses désirs de deuxième mandat. Les tergiversations et les maladresses diverses dont l’exécutif a fait preuve jusqu’ici excluent un passage en force. La situation telle qu’elle est à ce jour l’interdit et la volonté de dialogue mise en place par l’Elysée pour vendre l’acte II du quinquennat.
C’est « la semaine de vérité » a titré Le Figaro et Libération ne voit qu’une alternative pour Emmanuel Macron: « la réforme ou la retraite ». A l’évidence le gouvernement ne peut plus reculer devant l’épreuve du feu. Des craintes commencent à poindre quant aux répercussions pour l’économie, en cette période des achats de Noël. Le premier jour de grève, jeudi, a entraîné 30% de baisse d’activité en moyenne dans les magasins, selon l’Alliance du commerce. Un an après les manifestations violentes des « gilets jaunes », qui avaient largement écorné l’image de la France à l’étranger, le tourisme pourrait être une nouvelle fois touché. « La perception de ces grèves depuis l’étranger, c’est que la France est à la fois bloquée et violente, et c’est une image qui n’est pas nouvelle après les mouvements des « gilets jaunes », résume Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage.
La stratégie Jupitérienne
Les choix politiques et fiscaux du président, sa stratégie jupitérienne du pouvoir, l’absence d’une formation politique capable d’incarner le parti macroniste du « ni de gauche ni de droite mais en même temps » fragilisent la position du chef de l’Etat. Le premier ministre va monter au créneau pour sauver la réforme d’un gouvernement dont l’image vient encore d’être brouillée par la révélation ce lundi du Parisien : le haut-commissaire aux Retraites Jean-Paul Delevoye n’avait pas déclaré sa fonction d’administrateur de l’Institut de formation de la profession de l’assurance (Ifpass) dans sa déclaration d’intérêts à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Une “erreur” et “une omission par oubli”, a-t-il réagi avant de démissionner de ce poste.
Pour l’heure l’opinion publique toujours favorable au mouvement de protestation. Un sondage réalisé auprès de 1.001 personnes ce week-end, indique que 53% des Français « soutiennent ou ont de la sympathie » pour le mouvement. Mais, chacun voyant son quotidien à sa porte et pas au-delà, hier l’agacement gagnait les usagers des transports publics. « C’est trop, ils abusent. Les retraites, il y a quand même des choses à faire. Il n’y a pas la même pénibilité qu’autrefois. Et les infirmières qui travaillent la nuit et les weekends n’ont pas les mêmes avantages » a-t-on entendu par exemple dans une file bien fournie en attente d’autobus. Cela peut donc changer mais pour l’heure Emmanuel Macron, lui, très fragilisé est au pied du mur.
Françoise Cariès