Congrès des maires : Emmanuel Macron droit dans ses bottes

Le président de la République a ouvert le congrès des maires par un discours fleuve d’1h30. Une opération reconquête pauvre en annonces face aux revendications de l’Association des maires de France (AMF) sur l’autonomie fiscale et la décentralisation. Il a soufflé le chaud et le froid devant plus de 5 000 élus locaux rassemblés dans le grand auditorium du parc des expositions, Porte de Versailles à Paris.

Visite d’Emmanuel Macron dans l”Indre le 15 02 2019  Photos YD

Se définissant comme « le maire de la France », comme « le gardien de l’essentiel, l’unité de la nation et du quotidien concret des vies, de la dimension humaine, qui, à la fin, doit guider toute action publique », le chef de l’Etat s’est longuement étendu sur la nécessité « d’unir et de rassembler, de faire bloc face aux fractures territoriales, numériques, sociales ». Il a souligné le rôle essentiel des maires dans la lutte contre le communautarisme et la transition écologique avant de les inciter à faire preuve de discernement dans la décentralisation et la réforme fiscale.

La fiscalité locale : pomme de discorde majeure

Insuffisant pour les maires dont la fiscalité locale est une préoccupation majeure. Ce contentieux fut apportée à Emmanuel Macron sur un plateau par François Baroin président de l’AMF et par son premier vice- président délégué , André Laignel, maire d’Issoudun. En hors d’œuvre, François Baroin servit « le fruit amer de la disparition de la taxe d’habitation qui passe mal et qui a du mal à être digéré » qu’il compléta par un « vous avez décidé de supprimer un impôt qui ne vous appartient pas ». Il est l’un des ingrédients de la « calamiteuse réforme de la fiscalité locale », a rajouté le maire d’Issoudun. Emmanuel Macron s’est empressé de rétorquer : « Si certains électeurs viennent se plaindre de la baisse de leur imposition faites-le moi savoir ! » , déclenchant quelques rires dans la salle sans parvenir à faire oublier la remarque d’André Laignel sur la promesse de remboursement à l’euro près, « une fable que seule la proximité de Noël peut expliquer ».

Aussitôt, Emmanuel Macron a botté en touche en citant François Mitterrand : « Si j’avais voulu répondre à ces sujets point par point j’aurais fait ministre ».Puis il a défendu la réforme en se rabattant sur la décentralisation, qu’il souhaite voir accompagnée par une ressource fiscale dynamique et visible sans forcément passer par l’autonomie fiscale. « Seules les communes doivent garder leur autonomie car elles ont la clause de compétence générale », une façon de justifier le transfert de la taxe foncière aux seules communes, au détriment des départements.

Sécurité au quotidien

Pour le Président de la République, il faut faire bloc, Etat et élus ensemble pour assurer la « sécurité au quotidien » de tous les Français. Une priorité réaffirmée par le chef de l’Etat qui a rappelé avec insistance l’action du gouvernement en faveur des forces de l’ordre, et les mesures destinées à « dégager du temps utile sur le terrain », tels le recrutement de 10 000 policiers et gendarmes au cours du quinquennat, l’allègement des tâches administratives et le paiement des heures supplémentaires des policiers sans oublier de souligner « la qualité des coopérations », avec les polices municipales.

« Dans trois fois sur quatre, polices municipales et forces de sécurité intérieure sont liées par une charte de coopération, mais là aussi, nous pouvons faire davantage et faire mieux. C’est pourquoi je demande au gouvernement d’étudier toutes les propositions qui sont faites par les différentes associations pour améliorer le continuum de sécurité. Certains fichiers qui pourraient être mieux partagés, ceux des véhicules volés par exemple ou déléguer certains pouvoirs de police, comme les dépôts, la verbalisation des poids lourds ».

Communautarisme, islamisme politique,laïcité

Mais au-delà de la sécurité du quotidien et de la prévention de radicalisation, le président de la République s’en est surtout pris au communautarisme et à l’islamisme politique. « Dans certaines communes, dans certains quartiers, progresse un projet de séparation de la République; ce sont les revendications sur les horaires réservés dans les piscines, les espaces publics ou la mixité n’est plus possible, les pressions exercées sur certains services publics, ce sont aussi les services communautaires qui veulent se substituer à certains services publics, et la déscolarisation des enfants auxquels on assiste dans trop d’écoles. A chaque fois, les maires sont en première ligne ! ». Rappelant l’action menée par les ministères de l’Intérieur et de l’Education, Emmanuel Macron a énuméré la fermeture de « 12 lieux de culte, 4 écoles hors-contrat, 9 établissements associatifs, près de 130 débits de boisson, toujours avec la coopération des maires ». Des instructions du ministère de l’Intérieur seront données « dans les prochains jours » et « des actions concrètes nouvelles » seront entreprises par le gouvernement.

Le chef de l’Etat a également appelé à ne pas invoquer le concept de laïcité à tous bouts de champ. « Il ne faut pas tout confondre. Trop souvent, sont mélangés les concepts de laïcité, de civilité et d’ordre public. La laïcité, c’est un cadre de liberté et de respect. Ce n’est en aucun cas un cadre de combat et d’exclusion. Souvent, les débats portent sur des problèmes d’incivilité. Ne confondons pas tout. »

Contre l’interdiction des listes communautaires

Quant aux listes communautaires, qui font couler beaucoup d’encre, le chef de l’Etat s’est voulu pragmatique, « il ne s’agit pas de proclamer l’interdiction pour régler le problème »a-t-il dit. Il s’est prononcé contre l’interdiction des listes communautaires aux municipales, adressant de la sorte une fin de non recevoir au patron des sénateurs LR Bruno Retailleau qui a déposé début novembre une proposition de loi pour lutter contre les « listes communautaristes ».

Les maisons France Service, symboles du nouvel aménagement du territoire

Dans le cadre du « nouvel aménagement du territoire à faire collectivement », le chef de l’Etat est revenu sur l’ouverture des 460 premières maisons France Services en janvier 2020. « J’inaugurerai la première à Amiens vendredi », a-t-il précisé. « Le Projet France Services est un levier (…) ; ce ne sera pas un paravent », a-t-il insisté, évoquant une « ambition nouvelle » pour la présence des services publics dans les territoires. Le chef de l’Etat a aussi mentionné l’initiative des « 1000 nouveaux cafés dans nos petites communes », qui figurait dans l’agenda rural et dont l’appel à candidature à destination des maires ruraux a eu lieu le 12 septembre.

Pour une décentralisation financée et assumée

Il a conclu en affirmant être prêt à « tout envisager, dès lors que la décentralisation de la compétence s’effectue avec une vision sur les moyens financiers qui seront alloués à sa mise en œuvre, et qu’elle est accompagnée d’une décentralisation de la responsabilité. La décentralisation va avec des responsabilités assumées et un financement clair ! »Il a donné l’exemple du RSA, qui, selon lui, n’a pas été une « bonne décentralisation ». La mesure ne s’est pas accompagnée de financements suffisants, et les départements « n’ont pas de vraies compétences »,fustigeant au passage le « fétichisme français de l’autonomie fiscale ».

Pas d’annonces nouvelles dans ce discours mais, pour l’essentiel, le récapitulatif des choix existants et des initiatives déjà lancées, tels le programme Action Cœur de ville, l’agenda rural, la couverture numérique du territoire, le cadre de l’acte 2 de son mandat, autour de l’idée d’un « nouvel aménagement du territoire », et d’une nouvelle coopération entre les territoires.

FC

Enquête Cevipof-Association des maires de France

A quatre mois des élections municipales de mars 2020

48,7% des maires souhaitent se représenter

23% sont encore indécis

28% disent ne pas se représenter

69,2% estiment avoir la reconnaissance de leurs concitoyens

77,2% trouvent que les exigences de ces mêmes concitoyens sont de plus en plus élevées

82,5% estiment que les risques juridiques qu’ils courent sont trop forts

70% des maires estiment que leur activité est une fonction et non une activité

70% des maires estiment que la refonte de l’intercommunalité exerce une forte influence sur la gestion de leur commune, 54% jugent qu’il n’est pas nécessaire de refondre le périmètre de la leur alors que 37% émettent une opinion contraire.

35,4% des maires estiment au sujet de suppression de la taxe d’habitation qu’il faudrait mettre en place un nouvel impôt local en conservant un pouvoir de taux aux collectivités locales.

http://www.sciencespo.fr/cevipof/fr

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