Raymond Poulidor, champion pour l’éternité

Le monde cycliste est en deuil, la France est veuve de l’un des siens. Raymond Poulidor, le « Poupou » de millions de Français s’est échappé en solitaire et sans retour. Lui, qui a tant de fois emporté le peuple de France dans sa roue et dans son rêve s’en est allé, seul, à 83 ans, au paradis des champions retrouver Bartali, Robic, Bobet, Anquetil et tant d’autres as du vélo. Ils vont lui faire une place à part, celle qu’il a toujours eu, qu’il s’est taillée à grands coups de pédale et de volonté, de bonhommie aussi. « Poupou » à l’accent limousin, l’éternel second magnifique qui n’aura pas une fois pu revêtir la tunique d’or, est à jamais maillot jaune dans le cœur des Français.

Raymond Poulidor, champion pour l’éternité cl Wikipedia

Né dans la Creuse, fils de métayers, il passe son adolescence en Haute-Vienne à sillonner les routes dès que les travaux de la ferme lui en laissent le temps. Son succès dans des courses régionales l’incite à envisager sérieusement une carrière de coureur professionnel. Au retour de son service militaire, il enfourche à nouveau la bicyclette, se fait remarquer et décroche un contrat avec l’équipe Mercier à laquelle il resta fidèle. Une histoire d’amour se noue entre lui et les Français, qui ne s’est jamais démentie.

Un grand coureur

Puissant puncheur, grand batailleur, immense grimpeur, « Poupou » devient très vite l’un des plus grands coureurs du Tour de France. Dans les années 1960 et 70, chaque été, trois semaines durant, il fait rêver des millions de spectateurs massés sur le bord des routes pour voir passer le Tour et encourager leur champion. En 1964, lors de ce Tour que les amoureux de la Grande Boucle appellent le « Tour du Siècle », les Français croient que l’heure de gloire de leur héros est enfin arrivée. Après les Alpes, Poulidor est devant. Il est fantastique dans la mythique ascension du Puy de Dôme. Il est sur le point de remporter le Tour. C’est sans compter sur la pugnacité inébranlable de Jacques Anquetil, qui le renvoie finalement à 55 secondes de son rêve .En 1968, la victoire lui semble encore promise. Mais le destin en décide autrement. Un motard de l’équipe technique du Tour renverse le champion. Le corps meurtri, la mort dans l’âme, il est contraint à l’abandon. Puis les jambes d’Eddy Merckx se dressent sur sa route et lui ôtent la victoire.

 Poulidor, le malchanceux

Raymond Poulidor monta huit fois, dont la dernière à 40 ans sur le podium aux Champs-Elysées. Son courage et sa ténacité, sa sueur et ses larmes, la longévité de sa carrière bâtirent sa légende. Poulidor le malchanceux suscita l’immense sympathie des Français. Ce paysan fier de l’être, qui grimpa au sommet des cols les plus ardus et les plus prestigieux à la force de ses mollets, qui ne se plaignait jamais, qui n’abandonna jamais sa modestie, qui réessayait toujours, est devenu le héros du Tour de France, un coureur unique à nul autre pareil. Des millions d’hommes et de femmes ont vécu à travers lui des heures de passion et d’espoir .Longtemps après avoir tiré sa révérence, Raymond comme beaucoup l’appelaient restait l’emblème et l’ambassadeur du Tour de France. Chaque année depuis la caravane il participait à la magie du Tour en juillet. Jusqu’au bout, l’immense second a continué de franchir en tête la ligne des cœurs. Plus personne ne peut le rattraper. Il est champion pour l’éternité.

Françoise Cariès

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