Cannes 1939 à Orléans: rumeur de palme

Comme pour tout bon festival de Cannes, il faut le bruissement des rumeurs non pas de palme puisque cette institution cannoise n’est apparue qu’en 1955, mais de grand prix comme cela était déjà prévu pour cette première édition, et il faut bien dire que le film tchèque d’Hugo Haas, “La grande solution” (également titré “La peste blanche”), visionné ce mercredi aux Carmes, réunit bien des qualités pour prétendre au titre.

“Le film que tout le monde doit voir”

Après le bellicisme envahissant des films présentés en ce mardi d’ouverture, ce film tchécoslovaque propose ainsi une fable pacifiste qui ne manque pas de séduire par son propos. Et pas le pacifisme démissionnaire de Munich, mais plutôt un pacifisme de combat, intransigeant face à la dictature guerrière (car la guerre va avec la dictature et le fanatisme) qui menace ses voisins, et l’on comprend mieux pourquoi les organisateurs du festival de 1939 ont tenu à programmer ce film, sorti en France en 1938 mais interdit dans beaucoup de pays d’Europe, produit par un pays rayé de la carte européenne début 1939, conséquence directe de la reculade des Français et des Anglais à Munich fin septembre 1938.

Cette histoire, tirée d’une pièce de théâtre écrite par Karel Čapek, d’un médecin qui seul par son combat arrive à renverser le cours de l’histoire n’est sans doute pas une analyse très marxiste du déterminisme historique, mais elle offre un modèle de combat individuel qui allie courage et intransigeance face à une dictature dont la ressemblance avec le régime nazi a le seul défaut de minorer une réalité dont découvrira que plus tard l’ampleur de la sauvagerie. On ne peut s’empêcher de penser ici à l’incroyable tentative d’attentat contre Hitler perpétrée par Georg Elser, horloger oublié de l’histoire, qui passa près de deux ans à réaliser la bombe qui à quelques minutes près aurait décimé, en novembre1939, la dictature nazie.

Ce film dont l’esthétique des décors et des éclairages n’est pas sans rappeler l’expressionnisme d’un Fritz Lang, reste un bel appel à l’engagement individuel, une réflexion sur l’idée que le pire n’est jamais inéluctable, et l’idéalisme de la paix combattante que ce film porte est sans doute le plus proche de ce que pouvait encore espérer imposer Jean Zay en cet été 1939.

On sait tragiquement que l’histoire lui donna tort.

GP