Sur le thème immense de l’Italie, la 22e édition des Rendez-vous de l’Histoire de Blois a une nouvelle fois attiré les foules. Plus de 55 000 festivaliers ont pris part à la plus grande université populaire de France qui reviendra, en 2020, sur le thème de Gouverner.
Les Rendez-Vous honorent les 500 ans de la Renaissance
Pour la 1ère fois, le thème choisi était tout un pays à savoir l’Italie. De quoi donner une nouvelle dimension médiatique à ce forum qui, outre sa retransmission en direct sur France Inter et France Culture, a vu cette année la création d’une chaîne de télévision sur la TNT. Objectif : permettre aux chercheurs, professeurs, écrivains et autres amateurs, ne pouvant se rendre à Blois, de partager ces grands moments d’érudition auxquels Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education nationale a donné le coup d’envoi vendredi 11 octobre.
Parmi les innombrables temps forts, la conférence de clôture de Teresa Cremisi, ancienne directrice éditoriale de Gallimard et PDG du groupe Flammarion, et la discussion qui a suivi avec Marc Lazar, directeur du centre d’histoire de Sciences Po Paris, ont permis de mieux saisir un peu cette âme italienne. Loin des clichés, celle-ci est intimement liée à l’histoire d’un pays morcelé qui n’est devenu nation que tardivement.
Marc Lazar, grand spécialiste de l’Italie
« La dépression est cachée au fond de l’âme italienne ; il y a un fond de fatalisme et de mélancolie propres aux vieux pays déclassés » a pointé T. Cremisi. Si le pays voit chaque année, une partie de sa jeunesse diplômée émigrer à cause de la crise, « l’esprit Marco Polo » reste vivace notamment dans les petites entreprises exportatrices où s’expriment la créativité italienne. Considéré par certains comme sur le déclin, ce pays, berceau de l’histoire occidentale, si difficile à cerner, possède de fortes capacités d’adaptation et de résilience.
Parmi le bouillonnement intellectuel, les cycles cinéma mais aussi le salon du livre d’histoire, le plus grand en France, avec la présence de plus de 200 éditeurs. Outres les grands noms, des éditeurs régionaux présentaient leurs dernières publications à l’image de Patrimoines et Médias. Fruit de 3 années de recherche, l’éditeur deux-sévrien proposait de partir à la découverte de 650 châteaux, manoirs et logis du Loir-et-Cher dans un ouvrage richement illustré. Côté auteurs, Manon Pignot s’est vue remettre le prix Augustin Thierry du livre d’histoire pour son ouvrage L’appel de la Guerre, des adolescents au combat 1914-1918 (Ed. Anamosa).
Blois jumelé avec Urbino
Illustration de l’amitié franco-italienne, Marc Gricourt, maire de Blois a signé avec son homologue Maurizio Gambini, maire de la cité des Marches, parfois surnommée l’Athènes de l’Italie, l’acte de jumelage des deux cités. « L’Italie et la France, ce sont la somme de leurs contrastes et leurs contradictions. C’est le goût de l’inventivité, pour le meilleur et parfois pour le pire. C’est finalement une véritable histoire de fraternité » dira notamment M. Gricourt dans son discours.
Des dizaines de débats, forums et tables rondes
A l’issue de la conférence de clôture, Jean-Noël Jeanneney, président du conseil scientifique, a chaleureusement remercié Francis Chevrier, créateur et directeur des Rendez-vous de l’Histoire, et son équipe. Il a aussi révélé le thème de la 23e édition. Celle-ci se déclinera autour du verbe Gouverner.
Succès de l’économie au Rendez-vous de l’Histoire
Organisé en partenariat avec la CCI 41 pour la 6e année, « ce festival dans le festival » a une nouvelle fois fait le plein d’un public avide de mieux connaître les problématiques socio-économiques franco-italiennes. « 40 conférences avec 120 intervenants de très haut niveau comme Augustin de Romanet, PDG d’Aéroports de Paris ou Alain Supiot sont proposées durant 4 jours sous l’égide d’un comité scientifique. Nous espérons faire mieux que l’an passé où le volet économique des RDVH a rassemblé 6 000 personnes » expliquait Yvan Saumet président de la CCI 41.
Cette année, plusieurs conférences et tables-rondes ont fait le buzz comme celle de Thomas Piketty venu à la Halle aux grains présenter Capital et idéologie son dernier ouvrage. L’économiste, écouté dans le monde entier, prône notamment un social fédéralisme européen permettant de réduire les
Laurent Berger de la CFDT pour ouvrir les Rendez-Vous de l’économie
inégalités en taxant par exemple la propriété et les grandes fortunes.
Les questions sociales et de l’avenir d’un capitalisme en crise étaient au coeur des débats avec notamment l’intervention de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT lors de la soirée inaugurale. Pour ce dernier, « il n’y a plus vraiment de dynamique d’ascension sociale car la mondialisation des échanges et la digitalisation de l’économie ont impacté notre modèle. Il faut désormais faire mieux mais différemment. » Pour cela, le syndicaliste promeut le pacte du pouvoir de vivre, signé par 19 organisations syndicales pour allier préoccupation écologique et progrès social.
De grandes figures médiatiques telles l’ancienne ministre Cécile Duflot, l’académicienne Danièle Sallenave ou encore Edwy Plénel ont livré leur vision du monde. « Réenchantons l’imaginaire républicain » a déclaré le fondateur de Médiapart, récent auteur de Gilets jaunes, la victoire des vaincus.
Ancien président du conseil italien, président de l’institut Jacques Delors, Enrico Letta a exprimé sa confiance dans l’Europe pour nous protéger du populisme et de la domination économique de la Chine ou des Etats-Unis : « Seul le multilatéralisme peut nous protéger de la violence. Il faut renforcer l’Europe pour construire un humanisme de la technologie et une politique de l’environnement efficace ».
La situation économique de l’Italie a enfin été abordé dans le nombreuses tables-rondes. On sait que celle-ci n’est pas bonne comme l’a développé Patrick Artus chef économiste de Natixis : absence de croissance, sous-investissement, dette colossale (135 % du PIB) ou chômage des jeunes. Mais, il convient de relativiser car notre voisin possède de solides atouts comme sa force industrielle, la créativité de ses petites et moyennes entreprises et sa capacité à exporter.
Jean-Luc Vezon