Chez les Decaux, l’Histoire avec un grand H est une affaire de famille. Après Alain (1925-2016), Laurent, en un mot une dynastie. Pendant plus d’un demi-siècle Alain la raconta à la télévision avec une verve sans pareille qui fit le bonheur de bien des téléspectateurs. Son fils, 38 ans, a repris le flambeau en y imprimant son style : il donne dans l’écriture et privilégie les grandes fresques.
Charles VI en costume de sacre. BnF
Après un premier roman, « Le Seigneur de Charny », il revient dans les bacs des libraires avec « Le Roi Fol » qui met en scène le lent cheminement vers la folie de ce roi de France et l’instant où il bascule dans le monde des phantasmes et des hallucinations. Il recourt à la fiction pour combler les vides et les zones d’ombre que le temps a installées. Quelles sont les causes réelles de ce basculement royal en 1392 ? La médecine actuelle pourrait-elle-même l’expliquer. C’étaient des temps troublés et au niveau du pouvoir les clans s’affrontaient. Pauvre Charles VI dont l’épouse, Isabeau de Bavière qu’on lui a imposée est une nymphomane qui couche avec tous les hommes qui se présentent
Un puzzle reconstitué
Dans ce deuxième roman aussi instructif qu’agréable à lire, Laurent Decaux ne renie pas sa filiation au contraire : « J’ai bien conscience qu’il y a quelque chose de transgressif quant on s’appelle Decaux à écrire des livres d’histoire. Et je ne renie pas du tout cette filiation. Mais ce qui m’a amusé dans ce projet d’écriture, c’est précisément de me risquer à reconstituer un puzzle historique dont on connaît les pièces sans pouvoir toujours les ajuster », dit-il dans plusieurs interviews .
Un premier livre
Alain Decaux, son père, s’est toujours refusé à écrire un roman, il estimait, peut-être par coquetterie qu’il n’avait pas assez d’imagination. Après une première carrière entrepreneuriale dans le vin fort réussie, Laurent vend les parts de son groupe « Nysa » et se laisse porter « vers le démon de l’écriture ». Il saute le pas il y a 4 ans, s’enferme pendant un an dans une bibliothèque et produit un manuscrit aussitôt accepté par les éditions XO. Teinté de fantastique, « le seigneur de Charny » raconte le moment où réapparaît en Occident le suaire dit de Turin dans un petit village de Champagne en 1382. « J’ai hésité, un moment, à lui donner une suite avant d’opter pour un thriller psychologique. La folie de Charles VI se prête à cela ».
A la façon de Druon avec « Les Rois Maudits » ou encore « Les trois Mousquetaires » d’Alexandre Dumas, Laurent Decaux tisse une intrigue et la déroule avec talent. La cupidité et l’ambition des uns et des autres s’agencent et s’entrecroisent pour rendre une atmosphère dans laquelle se meuvent des gens dont les noms sont parvenus jusqu’à nous. Voici par exemple Clisson, connétable de France qui ne se sentant plus en odeur de sainteté dans Paris choisit la route d’Orléans pour éviter la maréchaussée et prend le bateau sur la Loire jusqu’à Nantes pour regagner ensuite sa terre du Morbihan.
Bourré d’intrigues parcouru d’adultères, d’envies , de coups bas, d’ambitions et de véritables amours « Le Roi Fol » pourrait bien poursuivre sa route en série télévisée.
Françoise Cariès
“Le Roi fol”
Laurent Decaux
XO editions 328 pages 19,90 euros
