Festival de Loire: le regard de l’artiste Denis Tricot

Parmi les nombreux artistes invités pour ce festival de Loire 2019, il est un plasticien discret qui contemple l’inscription de son œuvre dans le paysage de la Loire depuis un transat planté dans le sable de l’autre coté du pont Thinat. Denis Tricot est sculpteur, improvisateur, adepte des « arts mélangés » et propose d'”Ourler la Loire” avec une vague de bois à la fois monumentale et linéaire, d’écrire une courbe fluctuante qui se déploie du pont Thinat vers l’infini.

“Ourler la Loire” Denis Tricot

Denis Tricot a toujours voulu que sa sculpture soit élément de spectacle.
Depuis 1994, il improvise dans des espaces scéniques avec de grands arcs de bois qui lui permettent de réaliser ses constructions dynamiques dans le même temps que des danseurs, musiciens et comédiens. Il réunit des artistes de toutes disciplines dans Tricot et Cie dès 1996 et présente de nombreux spectacles d’improvisation transversale en France et dans toute l’Europe.
Il développe alors les notions d’« actions artistiques de rue » et d’« itinéraires dramatiques improvisés ».

Interview

Magcentre: Comment êtes vous venu à la sculpture ?

Denis Tricot. J’ai une formation de menuisier et un jour je me suis réveillé artiste et depuis 39 ans je fais de la sculpture, tout de suite monumentale et tout de suite lié au spectacle sans être de la déco, et un jour j’ai découvert une planche, un format de planche, (15 cm de large, 15mm d’épaisseur) et depuis c’est devenu mon outil d’intervention systématique et je créais avec ces planches des fils de bois qui me permettaient de dessiner dans l’espace publique et donc à partir de 95 j’ai du réaliser environ 450 projets dans une quinzaine de pays.

Magcentre Et pourquoi Orléans ?

DT J’arrive à Orléans invité par Philippe Violanti, le directeur artistique du festival de Loire qui m’a fait travailler dès 97 sur un festival à Laval et déjà une fois à Orléans en 2005. J’aime bien m’inclure dans une nécessité et il avait besoin d’un élément qui entraîne les gens au delà du pont Thinat, et pour faire ce lien, mes fils de bois étaient appropriés. Je suis venu voir et j’ai fait un projet qui s’appelle “Ourler la Loire”. Considérant que la Loire est un événement paysager qui porte une nature puissante à l’intérieur de la ville d’Orléans, j’ai décidé de lier ces deux entités, la Loire et Orléans, pour l’éternité.

Magcentre: Comment avez-vous travaillé ce projet?

DT Forcément, moi j’arrive avec mon matériau et j’improvise et donc je me remplis à la fois du temps présent et du lieu, et ce qui m’a vraiment intéressé, ce qui est presque l’objet artistique c’est bien sûr la présence de la Loire. Là je suis à contre courant, et c’est important d’être à contre courant dans une avancée un peu obstinée, et finalement ce que j’avais juste entraperçu lors de mon repérage est devenu très important c’est cet espace qu’il y a entre le pont Thinat et le pont de Vierzon, le pont du chemin de fer, ce vide paysager, ignoré, mal vu ou pas vu du tout et bien sûr en installant de la sculpture on amène le regard sur cet espace, on lui donne une existence.

Et au delà de cet espace blanc entre les deux ponts, je me suis rendu compte que le pont du chemin de fer n’était pas non plus regardé: le pont Thinat a une telle puissance avec ses trois arches de béton qui écrasent les voutes du pont de chemin de fer qui pour moi est très “pont de Loire”. J’étais lycéen à Saumur et le pont de Saumur a cette répétition des arches courtes et ce pont je le trouve magnifique et en plus j’aime bien les trains. Les courbes que je mets en place le long de cette main courante qui borde le canal viennent dialoguer avec les courbes des arches. Ce qui est très étonnant quand on le regarde comme ça de profil, ces courbures qui sont rigoureusement les mêmes, la perspective nous les offre de manière très différentes: la première est plus allongée et elles vont comme ça en s’accentuant comme si l’arc devenait plus serré. Et mes planches c’est un peu la même chose, les courbes que je provoque avec mes planches se retrouvent dans des successions de courbes différenciées et c’est une forme d’écriture, c’est des courbes qui ont des dynamiques différentes qui avancent plus ou moins vite qui luttent plus ou moins contre le courant .

Magcentre: Et le cadre du festival de Loire ?

DT Si je suis allé dans l’espace public c’est parce qu’il y a quelque chose de l’ordre de la vie et je trouve mon inspiration dans le quotidien. J’aime en plus trouver des regards dans le brouhaha de la foire et avec ce que j’installe, prendre le regard et du coup trouver le dialogue, les faire vivre, les faire regarder; La contrepartie de cette proposition pour qu’elle soit regardée c’est du coup le fait que l’on a installé des lampadaires qui viennent finalement détruire l’idée de l’œuvre en en faisant une décoration. Ma sculpture n’est plus œuvre mais devient décoration. Mais quelque part peut importe malgré tout si les regards attirés par cet art décoratif car il n’empêche qu’il y a des gens qui prennent autre chose…

Propos recueillis par Gérard Poitou

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    • matin 7°C
    • après midi 10°C
  • samedi
    • matin 12°C
    • après midi 9°C
Copyright © MagCentre 2012-2025