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Date initiale de publication: 7 décembre 2018
Dans un spectacle tout en démesure et en poésie Angélica Lidell nous rappelle que l’art n’a pas de limites.
C’est peu dire qu’Angélica Liddell dont le CDNO nous présentait hier soir la création mondiale de The Scarlett Letter à son propre langage, sa gestuelle, son vocabulaire. A partir de ce roman américain dénonçant le puritanisme et l’hypocrisie de la société qui condamnait la femme adultère à porter la lettre A comme plus tard une étoile jaune infamante, Angélica Liddell transpose cet A pour Art. L’Art qui serait menacé bien sûr par la raison, les convenances, les bonnes consciences ou la pudeur mais aussi par des lois liberticides.
Le renfort de Foucault…
Elle appelle pour cela en renfort Foucault, Lyotard, Derrida, Artaud ou Genet. Auteure, comédienne, metteure en scène avec une scénographie inspirée qui tient autant de la corrida que des passions antiques, Angélica Lidell nous déroule son long cri de souffrance, délirant et déchirant, dans un phrasé supersonique où le vocabulaire accepte tous les excès, l’absurde, l’incompréhensible. D’emblée elle nous avait demandé de la mépriser, comme pour mieux l’aimer. Loin du « puritanisme progressif » elle a choisi « d’écrire dans la boue » jusqu’à l’écœurement. Elle-même maîtrise son texte, dense et fleuri en entrant en quasi transe, possédée qu’elle est par cette quête de liberté.
… pour un spectacle osé
Pour la créatrice espagnole, l’art ne doit avoir aucune limite, et doit même tout oser comme pour jouir sans entraves. Elle ne se prive pas de frôler les interdits -ce spectacle était d’ailleurs « décommandé aux moins de 16 ans » !- avec des hommes nus dont elle prend le sexe dans la main et la bouche. Osé mais convaincant avec une suite de performances qui s’enchaînent dans des tableaux esthétiquement et plastiquement pertinents comme les « tablaos » du flamenco.
A force d’inspirer tout au long du spectacle le dégoût et la répulsion, Angélica Lidell réussit son pari initial de nous la faire aimer et de respecter la force et l’enthousiasme de sa création.
J.-J.T.
“The Scarlet Letter”
Création Mondiale de Angelica Liddell
Jeudi 6 décembre 20 H 30 et vendredi 7 décembre 19 h 30
CDNO Théatre d’Orléans boulevard Pierre Ségelle Orléans