Le temps des bâtards est révolu !

Jusqu’à présent, la loi française n’accepte pas, pour les couples de femmes ou les femmes seules, l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA). Par ailleurs, la loi permet le mariage aux personnes de même sexe et la possibilité pour tous ces couples, d’adopter l’enfant de son conjoint. Dans les alliances de femmes, en cas de grossesse, la plupart du temps l’enfant provient d’un don de gamètes à l’étranger. Afin que la parenté pour cet enfant lui soit reconnue, la conjointe de la mère légale doit demander obligatoirement l’adoption et en subir toutes les contraintes et aléas. Si l’on considère que les deux femmes sont les mères, il est nécessaire que la loi française répare cette incohérence.

Par Jean-Paul Briand


L’extension du droit à la procréation médicalement assistée

Dans son programme présidentiel, le futur élu à la Présidence de la République énonçait qu’« il n’y a pas un modèle unique qui représenterait la vraie famille(…) La filiation peut être fondée non seulement sur la procréation, ce qui est le cas le plus fréquent, mais aussi sur l’adoption, et de plus en plus sur l’engendrement avec un tiers donneur (de sperme, d’ovocyte..) dans le cadre de la procréation médicalement assistée. Ces trois façons de devenir parents doivent être reconnues à égalité de droit et de dignité(…) Nous sommes favorables à l’ouverture de la procréation médicalement assistée pour les femmes seules et les couples de femmes.».

En rapport avec cette promesse et dans le cadre de la révision de la loi relative à la bioéthique, les discussions concernant l’extension du droit à la PMA pour les femmes seules ou pour les couples de femmes commencent au Parlement.

Aider la réalisation d’un projet qui relève d’un choix personnel

©Rawpixel

Initialement, pour les médecins et chercheurs, qui se sont engagés dans la PMA, il s’agissait de combattre les difficultés pour avoir un enfant, d’un couple hétérosexuel. Cette souffrance était en rapport avec une stérilité de la femme ou celle de l’homme, quelle que soit la maladie en cause. Toutes les techniques employées servaient donc à traiter une défaillance de la nature empêchant une descendance. L’extension de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes révolutionne son objectif médical initial. Ce n’est plus une réponse à un état pathologique entraînant l’échec d’un couple homme-femme pour avoir un enfant, mais il s’agit d’aider la réalisation d’un projet qui relève d’un choix personnel. Dans ce cadre, la prise en charge de la PMA par la collectivité va poser problème…

La filiation et les droits qui s’y rapportent vont être bouleversés

L’enfant ne choisit jamais de naître, ni comment ou par qui il est conçu, aussi ses parents authentiques ne sont pas ceux qui fournissent ses gamètes. Ce sont ceux qui lui donnent, au quotidien et sur la durée, amour, protection et éducation. Ceux qui s’engagent à construire un environnement affectif, matériel et intellectuel pour permettre à cet enfant de se développer et de s’épanouir dans la société. Compte tenu qu’il n’est pas possible d’arrêter ou de ralentir la connaissance et les progrès de la science, le juriste, le philosophe, le sociologue, le médecin, le politique doivent réfléchir, en amont, des conséquences sociétales et légales de l’utilisation des progrès techniques de procréation, qui en découlent. En développant l’insémination artificielle, le don de sperme, le don d’ovocytes, la congélation d’embryons, la fécondation in vitro, les médecins transgressent l’ordre naturel, voire divin, des choses. Ces avancées scientifiques ont d’énormes conséquences aussi bien légales, sociologiques, humaines, culturelles et éthiques. La filiation consiste en la transmission du nom, le partage de l’autorité parentale et la possibilité pour l’enfant d’hériter. Si cette extension de la PMA est accordée aux femmes seules et aux couples féminins, comme l’a promis le candidat Macron, la filiation et les droits qui s’y rapportent vont être bouleversés.

Elimination du père ou multiparentalité

Une question troublante et contrariante m’interpelle : L’extension de la PMA uniquement aux femmes seules et aux couples de femmes qui veulent un enfant, ne laisse-t-elle pas comprendre que dans la notion de parenté, le père, comme la lignée paternelle ne sont ni essentielles, ni nécessaires ? Force est de constater que dans le règne animal nombre de géniteurs sont éliminés après avoir fait leur travail de reproducteur. La protection de la nature s’applique désormais à l’ensemble notre société. Cet « élimination » du père, résurgence frustrante, à l’échelle humaine, de certaines règles cruelles de la nature, pourrait ne pas avoir lieu. En effet, dans la loi à venir, il est probable que la possibilité d’accéder à ses origines soit autorisée. Comme le recommande le Comité consultatif national d’éthique, le principe de l’anonymat du donneur et du secret du mode de conception de l’enfant seront sans doute levés. Le donneur de gamètes est l’acteur originel de la vie des personnes issues de PMA. Avec l’accord de ce dernier et pour ceux, nés par PMA, qui le souhaitent, vouloir mettre un visage sur celui qui a permis de voir le jour est un droit que la société doit accepter. Sur le plan affectif, un donneur, lorsque son identité est connue, ne deviendra pas, du jour au lendemain, un père. Néanmoins, dans un couple de femmes, avec un tel changement de la loi, les enfants issus de la PMA auront ainsi 3 parents reconnus : deux mères et un père. Les ethnologues nous expliqueront que dans de nombreuses sociétés et peuples, la multiparentalité est vécue sans tensions particulières et puis, le gamin disposera d’autant plus de cadeaux, à Noël et pour ses anniversaires !

Il n’y aura pas d’ange divin

La normalité familiale évolue. Notre modèle de la famille traditionnelle explose. Le temps des bâtards est révolu. Les solutions apportées par le législateur, aux questions posées par l’extension de la PMA, feront sortir la société française de ses règles d’antan.

Dans la Genèse, il y a un exemple fameux de « mère d’intention ». C’est l’histoire de la servante Agar qui donne un fils, Ismaël, à Abraham parce que sa femme, Sara, est stérile. Après la naissance, la cohabitation est tellement compliquée et conflictuelle qu’Abraham chasse Agar et Ismaël dans le désert, où ils sont destinés à une mort certaine.

Dans le cadre de l’extension de la PMA, espérons que la représentation nationale, après un débat responsable et apaisé, saura apporter des réponses législatives et éthiques dans l’intérêt de l’enfant qui doit toujours être protégé, quelles que soient les situations rencontrées.

Il n’y aura pas d’ange divin qui, comme pour Ismaël, viendra le sauver d’une situation menaçante ou très conflictuelle…

Commentaires

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    • Sylvie, merci pour le compliment.
      J’ai voulu écrire une chronique subjective sur les questions telles que le rôle du père, la multiparentalité, la notion de couple, la place de l’enfant dans la société française…

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