Rater ses vacances est-ce possible ? On se le demande. Pourtant cela est arrivé à Geoff Nicholson, du moins à son héros, Éric. Amateurs de loufoque et de burlesque ce livre est pour vous. Humour vache et tragi-comédie à chaque page. Vous serez servis.
Un camping de rêve
Eric, c’est monsieur tout le monde, comptable dans une grande entreprise, en quelque sorte l’employé modèle, responsable, pondéré, consensuel. A 45 ans il est toujours amoureux de sa femme, la somptueuse Kathleen et chérit ses deux enfants adorés, Max et Sally. Vaguement dépressif et soucieux de réfléchir au calme à sa vie il décide de passer ses vacances en famille au camping-caravaning Centre de loisirs Tralee qu’il a fréquenté pendant sa jeunesse. Rien ne va se passer comme il l’avait prévu.
Chaque membre de sa famille déraille, chacun a sa manière, aussi extravagante et dérangeante l’une que l’autre. Et comme cela ne suffit pas, sa voiture le lâche en cours de route, les voisins sont désagréablement dérangés, les agressions aussi diverses qu’incongrues se multiplient. Bref, note bonhomme n‘en fit pas d ‘en voir des vertes et des pas mures qu’il encaisse sans se rebeller. Rien ne lui est épargné et plus on avance dans le récit plus on le sent isolé face à des situations que l’on peut qualifier sans exagération de dantesques. Tout cela serait bien sombre si l’exagération et l’imagination tordue de l‘auteur n’entrainaient son lecteur dans une délicieuse dérision. Les tabous sont bousculés, on arrête, on trucide, on s’égare dans tous les sens, Ubu est roi. Où va-t-on dans ce capharnaüm bien plaisant qui semble n’avoir ni queue ni tête ?
Le personnage principal affiche le profil idéal d’une victime née face à des personnages secondaires qui ne manquent pas de relief. Kathleen est nymphomane, Max le fils se laisse aller à des trips survivalistes, Sally la fille ne vit que pour et en fonction de Dieu sans compter un commissaire réactionnaire amateur de belle musique, un garagiste détraqué des pêcheurs menacés par leurs prises, des cadavres sans tête et une foule d’âmes errantes très perturbées qui font bien souvent basculer le récit dans le surréalisme.
La fin est inattendue et je me garderai bien de vous la révéler.
Un talent singulier
Geoff Nicholson est Anglais. Né en 1953 à Sheffield, il a fait ses études à Cambridge et publié quatorze romans. « Comment j’ai raté mes vacances » fut le premier à être publié en France en 1998 suivi de « Fétichiste » en 2011. Les éditions Robert Laffont ont décidé de le relancer cette année dans une édition collector à emporter dans ses valises.
Le héros-narrateur égrène sont récit découpé en autant de chapitres que de journées du séjour avec une ironie de ton qui place le lecteur à une distance jubilatoire du réveil quotidien improbable, des problèmes qui s’accumulent sans véritable solution, au coucher qui s’ouvrira sur un lendemain aussi chargé d’incongruités que la veille. Éric ne parvient à rien régler et continue à avancer poursuivi par un implacable destin. Il faut bien du talent à l‘auteur qui vit entre Londres et Los Angeles pour garder la juste ligne d’une langue légère et vive Elle trousse sans effort les rires jaunes et les éléments les plus classiques des ressorts comiques. Une réussite littéraire, différente de ce qu’on peut lire généralement. A n’en pas douter un livre pour les vacances.
Françoise Cariès
« Comment j‘ai raté mes vacances »
Geoff Nicholson
Collection Pavillon de Poche Robert Laffont
288 pages 10 euros