Dans le très bel écrin du château de l’Etang à Saran qui a, une nouvelle fois, mis les petits plats dans les grands côté accrochage, on ne peut que prendre un immense plaisir à la découverte ou à la redécouverte des œuvres d’Isabelle Thion, artiste orléanaise qui fait ici, en quatre chapitres, quatre beaux espaces, un éphémère point sur sa création. Inaugurée ce jeudi, l’exposition Isabelle Thion sous-titrée “Naturellement”, est tout bonnement surprenante, de toute beauté, malicieuse, engagée et d’une facture célébrant de multiples techniques artistiques sans cesse au service de l’humain et de la nature. Une nature pastorale, humaine, printanière, animale, évoquée, décochée de manière fusante , tendrement attachante et profondément lucide et clairvoyante.
Isabelle Thion
Une maîtrise accomplie et passionnée des techniques
Au château de l’Etang, on peut ainsi découvrir les premiers travaux des Beaux-Arts d’Orléans datant de 1973, ceux de celle qui obtiendra son diplôme de gravure sur le thème des tortues traité en manière noire avec aussi gaufrage précieux. A voir aussi, de cette amoureuse de la terre nourricière née à Pont-aux-Moines, celle qui prenait dés son plus jeune âge plaisir à travailler la glaise, un ensemble de terres cuites rassemblées avec bonheur dans une sorte d’altier cabinet de curiosités où l’on découvre de beaux personnages végétaux comme tout droit sortis de l’univers de Cocteau. Tous témoignent de cette communication spirituelle qu’entretient cette artiste avec la nature. Ici résonnent ainsi terres cuites de calebasses, terres mélangées, croquis lestes et furtifs d’arbres ou bien encore la délicatesse de tirages numériques de photographies retravaillées à l’encre et évoquant squares, bosquets, et surtout ces hivers où l’on voit les nids, tels des nefs, naviguer en plein océan ciel.
Humilité souriante et talent facétieux
Célébration du vivant, célébration de la couleur sont les mots que l’on peut accoler à l’œuvre d’Isabelle Thion, belle artiste muraliste en trompe l’œil de Mint et d’Autoportrait, créatrice qui nous offre aujourd’hui dans le bel espace sous verrière du château, une radieuse série de “Fleurs joyeuses” célébrant les âges de la vie. A voir aussi, au cœur du château, un ensemble de portraits de chiens et de chats, jolis coups de pattes imaginaires que l’on retrouve dans l’ouvrage “Caractères de chiens” sur des textes de Noëlle Mirande.
Et puis voici encore la série des “Animalices” dont fait partie cette brebis qui pleure des perles, mais également des travaux conjuguant papier bois végétal et minéral, toute une éclosion d’œuvres évoquant avec intensité, entre autres, les hommes fossiles qui se débattent dans une terre malmenée. Voici, enfin, l’évocation de la Loire souterraine celle du flux du temps qui laisse ses traces et enchante notre mémoire. A découvrir encore, dans un espace pénétrable, sorte d’oasis intime au cœur de l’exposition, les aventures de “Lady Cuicui”, petit oiseau délicat sorti d’un nid de couleurs qui rêve de devenir artiste et se pare, grâce à la palette d’Isabelle, des plus beaux atours de costumes de scène . Ainsi naquit la pétillante et touchante série des “Ladies” qui saurait sans nul doute faire le sujet d’un conte fantastique.
Un parcours passionnant dans ses moindres élans
L’un des plus jolis espaces de l’exposition de celle qui a édité avec Noëlle Mirande les livres d’artiste “La petire herbe folle” et “La petite goutte d’eau“, deux ouvrages qui, avec la la musique des images et la beauté des mots , témoignent du partage du sens de l’écologie pour les plus jeunes et les grands, est celui réservé à la peinture numérique.
Isabelle Thion
Aux cimaises du château se trouvent ainsi présentées de somptueuses et fluides arabesques. Ce sont “Les cœurs des fleurs”, portraits de l’âme de certaines femmes qu’à désiré camper spirituellement Isabelle Thion. Voici que s’offrent ainsi et entre autres les fulgurantes auras imaginaires de Tina Turner, d’Hildegarde de Bingen, de Florence Arthaud et d’amies ou d’anonymes rencontrés.
En résumé , voici une très belle exposition aux multiples facettes faisant naître les coups de coeur. Voici un bel accrochage qui témoigne d’un talent exceptionnel poussant avec ardeur jusqu’au bout chaque technique. Voici , encore, une nouvelle fois un engagement sensible et vibrant pour l’amour de notre sphère humaine. Le fil rouge conducteur d’une œuvre, gracieuse, piquante et rayonnante, accomplie dans ses moindres élans. Passionnant.
Jean-Dominique Burtin.
Photos: JDB.
Exposition Isabelle Thion, “Naturellement”,