Faites donc un peu de place dans vos valises au merveilleux livre de Serge Sanchez. « Le homard de Flaubert et autres animaux de la littérature » est une lecture idéale pour les vacances. La famille au grand complet y trouvera son miel. Il vaut mieux le commencer par le début mais rien ne vous empêche de l’aborder par le milieu aux trois-quarts ou tout simplement par la fin. Ce texte drolatique, écrit d’une plume légère mais profonde se compose d’une succession de chapitres indépendants et qui cependant forment un tout.
Mais, pour apprécier « Le homard de Flaubert » à sa juste valeur divertissante, il faut entrer dans la tournure d’esprit de Serge Sanchez, un journaliste et écrivain français comme son nom ne l’indique pas au premier abord et qui n’en est pas à son premier ouvrage. Il est l’auteur talentueux de La lampe de Proust et autres objets de la littérature (2013), du François Augiéras, le dernier primitif (2006, prix littéraire Ardua de la Ville de Bordeaux) et de Brassaï, le promeneur de nuit (2010).
Disons que l’homme possède l’esprit d’escalier et qu’il saute d’une observation ou d’une idée à l’autre sans raison apparente mais pour le bonheur de son lecteur dont l’attention demeure en éveil. Aussi pour apprécier « Le homard de Flaubert » faut-il rompre les amarres et accepter de plonger dans des instants de liberté. Sous la houlette de notre guide à la plume déliée entrons dans des domaines aussi contradictoires que la généralité et le singularité, extasions-nous devant le hasard qui nous met en face du génie.
Fidèle à la méthode employée dans « La lampe de Proust et autres objets littéraires », Sanchez l’érudit déambule dans nos classiques le nez au vent et l’œil aux aguets. Première rencontre Flaubert et son homard à Concarneau où l’inventeur de madame Bovary a été invité par son ami le biologiste Georges Pouchet. Le naturaliste observe la nature à travers son intelligence mais la science ça creuse et Flaubert mange ses homards quand Sartre à une époque où il prenait de la mescaline en voyait partout. Entrons dans l’univers de Balzac qui adorait « Le chat botté » de Perrault et les femme-chattes pour conclure avec Victor Hugo « Dieu a inventé le chat pour que l’homme ait un tigre à caresser chez lui ». Penchons-nous avec lui sur le rôle des animaux dans la pensée de Montaigne lequel ne croyait pas l’homme différent ou supérieur à l’animal.
Et comme nous ne sommes pas au bout de nos étonnements arrêtons-nous un moment sur l’horrible ou l’affreux, un épisode fort cruel du «Journal» d’Edmond de Goncourt. À la mort de son frère Jules, le créateur de la célèbre Académie avait reporté son affection sur un moineau. La disette faisant rage, un de ses voisins l’attrapa et le cuisina pour ses enfants. J’arrête-là mon récit engageant tout un chacun à aller plus loin en découvrant l’œuvre. Pour terminer j’en reviendrai au surprenant Flaubert. Serge Sanchez rapporte que l’auteur de « Bouvard et Pécuchet » déclara un jour, «J’ai vu il y a huit jours un singe dans la rue se précipiter sur un âne et vouloir le branler de force.»
Georges Fourest n’est pas en reste qui aurait pu lui rétorquer « sans voix, sans mains, sans genoux, Sardines, priez pour nous ! »
Françoise Cariès