L’homéopathie ne devrait plus être remboursée par la Sécurité sociale, car son “efficacité” est “insuffisante“, a estimé la Haute autorité de santé (HAS) dans son avis rendu public vendredi 28 juin. Après cette conclusion scientifique, la décision finale sera prise par le gouvernement. “Au terme de la première évaluation scientifique française de ces médicaments, la commission de la transparence rend un avis défavorable à leur prise en charge par l’assurance maladie”, a indiqué la HAS, selon laquelle ces produits ont “une efficacité insuffisante pour être proposés au remboursement”.
La chronique de Jean-Paul Briand avait été écrite avant cette décision:
La science est de plus en plus contestée. Les experts des agences scientifiques sont trop souvent considérés comme corrompus ou soumis aux lobbies industriels, agroalimentaires ou pharmaceutiques. Profitant de cette défiance, il existe toute une kyrielle de pratiques contestables, abusives et extravagantes qui prétendent être curatives.
Par Jean-Paul Briand
Des thérapeutes aux pratiques marginales
Des personnages charismatiques véreux défendent des théories thérapeutiques irrationnelles, ridicules parfois délirantes. Il existe aussi des médecins de bonne foi qui remettent en cause les consensus scientifiques ne correspondant pas à leurs approches médicales, leurs observations ou opinions personnelles. Ces thérapeutes militants, aux pratiques divergentes et marginales, soutenus par des milieux associatifs contestataires, se font imprudemment les complices de cette suspicion généralisée vis à vis de la médecine moderne officielle. Ils participent à l’incompréhension, au désarroi et à la détresse de patients en errance médicale et en attentes de réponses décisives vis à vis de leurs difficultés physiques et psychiques.
La médecine doit être fondée sur les preuves
La médecine d’aujourd’hui ne peut plus être fondée sur des déclarations ou des affirmations péremptoires, même émises par d’éminentes personnalités. Toutes les opinions ou conceptions médicales doivent s’élaborer sur des argumentations et des données probantes, intégrant de très nombreuses expertises cliniques, issues de recherches systématiques et obéissant à des procédures reconnues et transparentes. C’est ce qu’on nomme l’Evidence Based Medicine (EBM) ou la médecine fondée sur les preuves. Ces preuves obéissent à des méthodologies statistiques établies. Elles proviennent d’études multiples rigoureuses, reproductibles et analysées par des pairs. Aucune sommité médicale, aucune pratique de soins ne peuvent se placer au dessus de ces règles de la science moderne.
Esotérisme et pensées magiques
Les pseudos médecines sont portées par des imposteurs dont le principal objectif est d’embrigader, à des fins lucratives, de nouveaux disciples. Elles se fardent d’un vocabulaire subtil pour mieux séduire. Elles se décrivent comme étant douces, naturelles, traditionnelles, alternatives, non conventionnelles et holistiques. Artifices de langage qui sous entendent que la médecine classique officielle est à contrario agressive, chimique, colonialiste, dominatrice, conformiste et inhumaine. Pour vendre leurs méthodes miracles, elles utilisent principalement une « approche psychologisante » et postulent communément que la maladie est la résultante d’un choc émotionnel intense ou d’un conflit intérieur non résolu. Certains de ces procédés thérapeutiques nébuleux ajoutent une pincée d’ésotérisme et de pensées magiques orientales, sources, comme chacun sait, de sagesse et d’harmonie, garantes de guérisons inouïes, inaccessibles à la médecine officielle…
Charlatans, escrocs ou gourous illuminés
Tout cela ne serait que risible, dérisoire voire pathétique si ces façons de faire, soit-disant salvatrices, ne représentaient pas 40% des modes d’entrée et d’embrigadement dans des sectes. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires a recensé plus de 300 de ces disciplines magiques et 1800 structures de formation dans le domaine de la santé, toutes très onéreuses, mais dénuées d’un quelconque contenu homologué et rationnel. Quatre Français sur dix auraient recours à ces pata-médecines, dont 60 % des malades du cancer. Diffusées dans une certaine presse irresponsable et avide de scoops truqués, mais aussi par les réseaux sociaux, des informations pseudo-médicales, non validées, vides de tous fondements scientifiques, se répandent dans le public. Les crédules, souvent en grande souffrance, se jettent dans les bras de ces charlatans, escrocs ou gourous illuminés, avec des incidences pécuniaires sérieuses et des conséquences sanitaires parfois catastrophiques.
L’homéopathie, pratique illusoire et chimérique
Un cas particulier est l’homéopathie dont l’usage est répandu en France alors que le monde entier s’en détourne. Si la science internationale ne l’intègre pas dans les démarches sectaires, elle juge néanmoins cette pratique totalement illusoire et chimérique. Toutes les sociétés savantes reconnues sont unanimes : il n’existe aucune preuve solide de l’efficacité thérapeutique des produits et méthodes homéopathiques, même pratiquées par des médecins. La communauté scientifique lui reconnaît un effet placebo, mais dénonce qu’aucune étude n’ait pu démontrer l’efficacité de l’homéopathie. En 2015, le Conseil national de la recherche médicale australien (NHMRC), après trois ans d’analyses méthodiques des études portant sur l’homéopathie, n’a jamais pu trouver des résultats probants supérieurs à l’effet placébo. Le 29 septembre 2017, un communiqué du Conseil scientifique des académies des sciences européennes (EASAC) déclare que « l’homéopathie peut avoir un effet nocif en retardant la consultation d’un médecin ou dissuadant le patient de rechercher les soins médicaux appropriés ». L’EASAC recommande que l’on « ne devraient pas offrir le remboursement des produits et des services homéopathiques, à moins que démonstration n’ait été faite, par des tests rigoureux, qu’ils étaient efficaces et sans danger ». Dans le Figaro, une tribune du 19 mars 2018, signée par 124 médecins qualifiait l’homéopathie d’« irrationnelle », « dangereuse » et « coûteuse ».
Les pratiques sans socle scientifique démontré
devraient être dénoncées
Dans l’intérêt des patients, afin de supprimer des dépenses inutiles, d’empêcher des retards de diagnostics, des prises en charges inefficaces et parfois d’éviter des drames, toutes les méthodes appartenant au domaine des soins devraient passer par une évaluation irrécusable. Les pratiques à visée thérapeutique sans socle scientifique démontré ne devraient pas être remboursées mais dénoncées, voire interdites et condamnées pour les plus délétères.
Le 28 juin prochain, la Haute autorité de santé (HAS) annoncera ses conclusions définitives sur l’intérêt de maintenir le remboursement des médicaments homéopathiques. A l’issue de cet avis, le gouvernement aura le choix entre la rigueur de la science ou un démagogique accommodement politique…