Par Jean-Paul Briand
Accueilli par le Conseil régional, ce mercredi 4 juin, a eu lieu un nouveau débat sur la désertification médicale, organisé par la Mutualité Française et la République du Centre. Guillaume Garot, député de la Mayenne, appartenant à la région Pays de la Loire, est venu nous parler de la désertification médicale. Devant une salle comble d’élus, de représentants d’associations et de professionnels du monde de la santé, le beau député a essentiellement voulu faire la promotion de son projet de « régulation à l’installation » par un conventionnement sélectif des médecins, selon la densité médicale des territoires.
Peut-on encore faire confiance aux politiques ?
Lorsque l’on sait que la pénurie actuelle de médecins est la conséquence directe de l’incompétence et de décisions inadaptées de femmes et d’hommes politiques de tous bords, prises depuis 40 ans, peut-on encore leur faire confiance ? Aujourd’hui devant l’urgence de la situation, la désespérance des populations et la lassitude des professionnels de santé, chacun y va de sa solution miraculeuse et sans égale. Etant toujours socialiste et n’ayant pas été à la soupe de La République En Marche, comme nombre de ses anciens camarades, la proposition de loi du député Garot a été rejetée par les mêmes qui étaient prêts à la voter, il n’y a pas si longtemps…
Quelques clichés démagogiques
Beau parleur, intéressant, il connaît bien son dossier le bougre, même s’il ne peut s’empêcher d’utiliser des clichés démagogiques rabâchés. Trois exemples :
- « Les pharmaciens acceptent bien une régulation du réseau des officines », clame le député de la Mayenne. Il oublie de rappeler, que cette régulation a été mise en place par le gouvernement de Vichy, à la demande des plus gros propriétaires de pharmacie de l’époque, afin de protéger leurs fonds de commerce et de diminuer la concurrence. Par ailleurs il serait bon également de dire que dans son rapport « LA RÉGULATION DU RÉSEAU DES PHARMACIES D’OFFICINE » de l’Inspection Générale des Impôts (IGF) et de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) il est signalé que « le maillage des pharmacies n’est plus opérationnel » … « 91% des officines sont installées en zones de sur-densité officinale ».
- Les études des médecins sont payées par l’Etat et il serait logique que les jeunes médecins remboursent cette générosité par quelques années en zones déficitaires, propose l’ancien maire de Laval. C’est oublier un peu vite que pendant près de 10 ans, voire plus, les externes comme les internes sont taillables et corvéables à merci pour des indemnités dérisoires. Plusieurs études ont démontré qu’un étudiant médecin faisait économisé de 80 000€ à 120 000€ à la collectivité s’il fallait payer un salarié, au plus bas niveau de rémunération, pour assurer le même service…
- Les instituteurs, à l’issue de leur formation en école normale, se voyaient désigner autoritairement là où ils devaient enseigner, pourquoi pas les médecins ? interroge finement notre ancien ministre délégué à l’Agroalimentaire. C’est faire fi de la loi qui donne le statut de fonctionnaire pour le premier et de libéral pour le second, avec les droits et devoirs qui incombent pour chaque situation.
Une solution non agressive
Comme solution d’urgence, sachant que 74% des nouveaux docteurs plébiscitent le salariat, plutôt que la coercition, pudiquement nommée régulation, pourquoi ne pas leur proposer un contrat à durée déterminée (5 ans par exemple), avec un salaire décent, une mise à disposition d’un lieu d’exercice et de personnel ? Rassurés, ayant constitué une patientèle, mis en place un réseau professionnel et personnel, en fin de contrat, ils accepteront sans difficulté de continuer leur exercice sous forme libérale.
L’enfer est pavé de bonnes intentions et la proposition de Guillaume Garot sera perçue par les étudiants en médecine comme une agression supplémentaire contreproductive. Elle les éloignera un peu plus de l’exercice libéral et de la médecine générale dont les effectifs chutent inexorablement depuis des années.
Pour un nouveau contrat entre la Nation et ses médecins
Comme l’a rappelé le Directeur du CHR d’Orléans, notre système de soins est a bout de souffle.
Guillaume Garot a donc raison quand il souhaite qu’un nouveau contrat soit passé entre la Nation et ses médecins. La médecine libérale telle qu’elle fut définie en 1929 a vécu. Si l’on considère que les médecins de première ligne ont une mission de service public alors ce rôle doit être reconnu et honoré financièrement comme telle.
Notre système de santé doit être réformé en profondeur avec les médecins et toute la communauté des professionnels de santé…
Un cheval de bataille avant les prochaines échéances électorales
Pierre Allorant, vice-président de l’université.
Puisque le député Guillaume Garot, accompagné par le Président Bonneau dans sa présentation enflammée du débat, ont tous deux dénoncé avec impétuosité l’inégalité des territoires vis à vis de l’accès aux soins, pourquoi n’ont-ils pas abordé une injustice qui explique en partie que la région Centre Val de Loire est la première région touchée par la désertification médicale. Comme l’a rappelé le vice-président du Ceser, Pierre Allorant, notre région est, comme par hasard, la seule région de France où il n’y a qu’une seule faculté de médecine et un seul CHU. Orléans est la seule métropole, la seule capitale de région sans CHU. La région du député Garot avec 5 départements, pour 6 en région Centre Val de Loire, a néanmoins 2 CHU (Angers, Nantes).
Afin de réparer cette injustice délétère, contre la désertification médicale et pour le rayonnement et l’attractivité de notre territoire, il y a là un cheval de bataille que certains seraient bien inspirés d’enfourcher avant les prochaines échéances électorales…
JPB juin 2019