“Les âmes silencieuses” : à la croisée des chemins

Rien n’est plus parlant que le silence. Plus entêté que lui il n’y a pas. Mélanie Guyard en apporte la démonstration dans son beau roman « les âmes silencieuses », à ne pas confondre avec le film du même titre. A 38 ans, pour son premier roman à destination des adultes, l’auteur spécialiste des bandes dessinées et de la littérature jeunesse réalise un livre monde et pourtant simple, plein de suspense et d’inattendu.

En cours de divorce et au chômage, suivi par un psychothérapeute qui secoue les ombres portées par ses origines, le parisien Loïc, agent mobilier de son état, se rend en Berry à la demande de sa mère pour y vider la maison de sa grand-mère décédée deux ans plus tôt, grand-mère à laquelle il n’a pas rendu visite depuis sa petite enfance.

Au village l’accueil, c’est le moins que l’on puisse dire, manque de cordialité. Des anciens lui jettent à la figure qu’il est le petit-fils de la tondue en 1944 à la Libération. Sa grand-mère Héloïse a fauté avec un Allemand. Avec l’aide d’une jeune policière en vacances, Loïc entreprend de dépouiller une énorme correspondance retrouvée dans le grenier. Peu à peu se révèle le passé de cette grand-mère et la vérité sur des événements soigneusement enfouis et sur sa réelle filiation.

A sa façon, Mélanie Guyard rend leur dignité aux femmes qui ont été tondues à la libération qu’elles aient « fauté » avec un Allemand ou qu’elle soient soupçonnées de l’avoir fait comme la grand-mère Héloïse.

L’histoire rondement menée se déroule en deux temps sans cesse mis en parallèle. Les personnages avec les contraintes que leur impose leur époque sont bien campés, les dialogues bien amenés. Est-ce un défaut de premier roman ? Certaines scènes comme la rencontre avec les villageois sont un peu convenues, sans surprise. Le style souvent imagé rend parfaitement les atmosphères. Pour un premier roman, une réussite qui peut nourrir bien des conversations.

Françoise Cariès

Interview de Mélanie Guyard

FC: Vous avez jusqu’ici écrit des scénarios pour bandes dessinées et des livres pour la jeunesse. Vous changez donc de registre ?

Mélanie Guyard : Pas forcément mais passer à l’écriture pour adulte était dans ma logique. J’étais prête.

FC : D’où vous est venue l’idée de cette histoire ?

M. G. : Elle est venue sous ma douche, d’un coup parce qu’à ce moment-là à la radio j’ai entendu et écouté la chanson de Zazie « Adam et Yves ». En dix minutes j’avais bâti l’histoire. Jean et Franz étaient nés dans ma tête, le secret s’était mis en place.

FC: Vous abordez l’homosexualité par un biais inhabituel…

M.G. : Sans doute et il ne me déplaît pas d’interpeller. De nos jours il n’est pas toujours simple de vivre son homosexualité. Au temps de la deuxième guerre mondiale c’était impossible. Jean et Franz ont payé très cher le droit d’être en couple pendant la guerre et après. Le monde change, heureusement.

FC : Vous avez doté Héloïse, la grand-mère d’un caractère très fort…

M.G. : Héloïse éprouve un sentiment très fort pour son frère Jean. Il est le seul garçon de la famille, le fils qui doit assurer la continuité du nom et de la ferme. Elle obéit à son instinct, à ce que sa famille lui a insufflé, à la règle, pourtant elle transgresse tout par amour et paie le prix de ses décisions. Les parents aussi ont de fortes personnalités. C’est un univers rural. Bien que n’étant pas née dans le Berry mais en Charente maritime je connais le monde de la campagne où les femmes sont fortes et du moins jusqu’à une période récente régnait sur la maison.

FC: Loïc, le Parisien va chez le psy. Pourquoi ?

M.G. : Au moment où débute l’histoire, Loïc lui aussi est face à un mur qu’il essaie de démolir chez le psy. Ces rencontres introduisent une temporalité qui permet ensuite d’introduire un parallèle et la différence pour ne pas dire les conflits entre générations.

FC : Songez-vous déjà à écrire un second roman ?

M.G. : Bien sûr et je suis déjà en train d’y travailler. J’espère poursuivre dans l’écriture. Pour l’heure, je suis professeur de SVT dans un collège de la banlieue parisienne. J’enseigne à des 13-14 ans et c’est très agréable. J’espère pouvoir ne plus enseigner même si j’aime ce métier. L’écriture me prend beaucoup de temps et je souhaite pouvoir m’y consacrer à plein temps.

Recueilli par Françoise Cariès

« Les âmes silencieuses »

Mélanie Guyard

Le Seuil 18,90 euros

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