Spécialiste reconnu de la sécurité et de la défense au Parlement européen où il brigue un troisième mandat, Arnaud Danjean, ancien de la DGSE (Direction générale de la Sécurité extérieure) a effectué de nombreuses missions périlleuses notamment en ex-Yougoslavie. En préambule à un meeting qu’il a tenu lundi soir à La Ferté Saint-Aubin devant 300 personnes dont de nombreux élus LR, Arnaud Danjean, numéro 3 sur la liste Bellamy, a bien voulu répondre aux questions de Magcentre. Il regrette l’éclairage braqué sur nos forces spéciales habituées à plus de discrétion.
Entretien.
Vous êtes la caution juppéiste de la liste Bellamy ?
Pour moi les affiliations, les allégeances passées n’ont plus de sens aujourd’hui. Le juppéisme voulait dire quelque chose jusqu’aux primaires. Cela ne veut pas dire que je ne garde pas du respect pour Alain Juppé , beaucoup plus que pour ce qu’il est maintenant. Je ne renie rien de l’engagement que j’ai eu lors des primaires. Mais ce n’est plus le sujet, je ne me sens pas la caution de quoi que ce soit. La seule caution que je revendique c’est celle des sortants. Sur cette liste je suis le premier des sortants. Cela a beaucoup plus pesé dans ma désignation.
Comment expliquez-vous la remontée dans les sondages de M. Ballamy. C’est parce qu’on parle beaucoup de lui et moins de M. Wauquiez ?
Arnaud DANJEAN – 8th Parliamentary term
Les gens ont découvert quelqu’un qui est une belle personnalité. Quelqu’un qu’on leur avait caricaturé. En raison de convictions personnelles qu’il a assumées qu’il a expliquées et qui a montré qu’elles ne représentaient pas l’intégralité de son engagement politique. Les gens ont découvert quelqu’un qui élève le niveau et qui donne du sens à l’engagement. Il y a un effet François-Xavier Bellamy et il y a aussi plus généralement la bonne surprise pour un électorat de droite très désorienté depuis deux ans, de voir que nos adversaire politique n’avaient pas le monopole du renouvellement, de l’audace pour lancer des gens nouveaux en politique. Partout où l’on passe et c’est encore le cas ce soir à La Ferté, partout où l’on passe, tous les élus sont là.
Pensez-vous que l’électeur s’y reconnait lorsque dans votre parti, certains sont Macron-compatibles comme Estrosi à Nice mais au final appellent à voter pour la liste Bellamy ?
Il faut comprendre pourquoi un certain nombre de gens de notre famille politiques, élus, sympathisants ou électeur, ont pu être séduit par Macron. Il ont été séduit parce que nous n’étions pas forcément bons, ils doutaient de nous. Et deuxièmement parce que Macron, qui est un grand séducteur, a su politiquement se donner les moyens de débaucher un certain nombre d’entre nous. Mais le mirage s’est dissipé. Aujourd’hui on revient aux fondamentaux.
Votre tactique aujourd’hui c’est de dire, « ces Européennes ne sont pas un affrontement entre les populistes et les libéraux avec Macron » ?
Les gens comprennent que la démarche de Macron était tactique plus qu’une démarche de conviction ; Le nouveau monde c’est quand même les bonnes vieilles ficelles de l’ancien monde car quand je vois les soi-disant ralliés à Macron dans cette campagne européenne, moi je préfère qu’Estrosi (Nice) Moulenc (Toulouse) Perdriau (Saint-Etienne) reviennent à nous plutôt que d’avoir Raffarin ou Grossetête ou je ne sais qui.
Vous êtes un spécialiste de la sécurité et de la défense. Les évènements du Bénin : le gouvernement a-t-il bienfait d’envoyer de commandos délivrer nos otages, alors que cela s’est terminé par deux morts chez nos soldats?
Ils en ont délivré quatre. C’est plutôt à l’honneur de la France de ne jamais abandonner ses ressortissants. J’ai le souvenir d’opérations très délicates pour délivrer des journalistes, on ne s’est pas posé de question. Cela prouve que le terrorisme et le jihadisme dans cette région sont implantés durablement et que malheureusement ils essaiment dans toute la région de l’Afrique subsaharienne et de l’Afrique occidentale.
C’est une réflexion personnelle : Mais je trouve que sur des opérations militaires menées par des forces spéciales qui sont par définitions des forces discrètes, je pense qu’on en parle un peu trop. L’identité des soldats tués, révélées très vite, les familles qui s’expriment; Plus de sobriété dans les hommages n’enlèverait rien à leur puissance.
Le fait que M. Macron soit allé accueillir les otages à Villacoublay cela ne vous choque pas ?
Cela ne me choque pas mais je n’aurais pas été choqué non plus qu’il n’y aille pas. J’ ai été surpris que la ministre de la Défense et le chef d’Etat-major des Armées fassent une conférence de presse pour donner des détail sur l’opération.. Les opérations des forces spéciales ce sont des choses discrètes, en tant que citoyen cela ne me choquerait pas de ne pas avoir à tout connaitre de ces affaires là. Cela induit une exposition excessive de nos forces et cela nous amène à tomber dans un registre quasi exclusivement compassionnelle.
La compassion il en faut mais je n’oublie pas que les hommes qui sont engagés sur le terrain sont des hommes d’action, de conviction, et je suis certain que le meilleur hommage à leur rendre c’est sur la détermination et la poursuite de l’action.
Vous voulez dire que M. Macron est en campagne ?
On parle un peu trop de tout ça. Je crois que les conditions de publicité ne sont pas les meilleures conditions d’exercice des forces spéciales. Les gens qui s’engagent dans ces forces sont des hommes qui ne recherchent pas la publicité. Qu’on leur rende hommage c’est légitime mais je crois que certains professionnels sont choqués par l’excessive publicité qui est faite autour de tout ça…
La gestion du maintien de l’ordre sur les gilets jaunes, vous en êtes satisfait ?
Non je trouve qu’il y a eu des changements de pied en permanence, une fois il fallait être mobile, une autre fois ne pas l’être. Je ne suis pas convaincu par les capacités en matière de maintien de l’ordre de Monsieur Castaner. La longueur de ce mouvement social, la disproportion par rapport au nombre de participants, le dernier samedi une vingtaine de milliers de personnes, une manif de 20 000 personne en région cela fait trois lignes dans la PQR. Il y a une disproportion à la fois dans le traitement médiatique et dans la gestion de la sécurité. Cela ne donne pas une impression d’une grande sérénité. L’Etat c’est l’ordre et je suis assez peiné de voir qu’il n’y a pas eu de réponse proportionnée depuis plus de 20 semaines.
Pourquoi vouloir rester au Parlement européen ? Parce que c’est là où ca se passe ?
Etant donné mon profil, c’est sans doute là où je suis le plus utile. C’est mon seul mandat. C’est une institution très particulière. Il faut s’enlever de la tête le fonctionnement de nos assemblées parlementaires. Personne n’a la majorité absolue, on est 28 nationalités. J’y ai pris mes marques et dans les compétences qui sont les miennes, sécurité défense, ce sont des domaines qui sont de plus en plus européens.
Vous êtes favorable à une armée européenne ?
Totalement contre, c’est une dangereuse utopie, une fausse bonne idée. Qui va commander cette armée. Chaque armée à ses règles d’engagement, son histoire, et ce n’est pas simplement du folklore et de l’anecdote. C’est du concret. Si aujourd’hui une armée européenne devait intervenir au Mali comme la France l’a fait en 2013, une armée européenne ne le pourrait pas. Parce que aucune armée en Europe n’a des règles d’engagement aussi rapide que la France.
En revanche, je suis pour plus de solidarité en matière de défense entre pays européens il faudrait que des pays européens viennent nous épauler dans nos opérations. Il faut peut-être réfléchir à des aides financières qui allègent ce fardeau qui pèse exclusivement sur la France. C’est là dessus que je travaille au Parlement européen. Comment avoir plus de solidarité entre Européens en matière de défense, en matière d’équipement et sur le plan opérationnel. La France prend des risques, s’engage pour la sécurité européenne, mais elle le fait un peu trop seule.
Et entre services de renseignements, il faut plus de coordination européenne ?
La coordination est déjà très importante. Mais penser que l’on pourrait créer un service européen qui viendrait se substituer aux appareils nationaux, ce n’est pas la bonne solution. Nous aux Républicains nous sommes pour placer le curseur au bon endroit entre ce qui doit être des compétences nationales et des compétences européennes. Plus de coopération, notamment en matière juridique, çela a du sens.
Propos recueillis par Christian Bidault
- Cet interview a été réalisée le 13 mai donc la veille de l’hommage national rendu aux deux soldats français aux Invalides.