Sans doute le récent procès à Orléans d’un prêtre pédophile et de son supérieur ecclésiastique n’est pas étranger à la foule venue assister ce mardi soir à l’avant première du films de François Ozon puisque le cinéma des Carmes dut, en plus de la grande salle, déprogrammer une deuxième salle pour accueillir le public parmi lequel se trouvaient peut être, quelques victimes de ces crimes, tant elles furent nombreuses.
François Ozon
C’est en recherchant un sujet sur la fragilité masculine explique François Ozon, qu’il a découvert l’histoire de cette association “La Parole Libérée”, une association d’aide aux anciens du groupe scout Saint-Luc de Lyon victimes d’actes pédophiles, au moins une centaine d’enfants abusés par le Père Preynat entre 1976 et 1991. Le travail de cette association, lancée au départ par quelques victimes isolées, est remarquable à plus d’un titre tant par la parole restituée à celles-ci que dans la démarche pour obtenir la mise en accusation du coupable et de sa hiérarchie, accusée de n’avoir pas pris les mesures qui s’imposaient à l’égard de ce dernier. Hésitant à en faire un documentaire, François Ozon a finalement opté pour une fiction qui correspond mieux sa pratique cinématographique.
Un “vraie” fiction
Et quelle fiction ! Retissant l’histoire de cette association exemplaire, le réalisateur choisit trois personnages dont les vécus très différents vont permettre de comprendre les séquelles de ces actes pédophiles sur leur histoire intime aussi bien que sur leur vie de couple. Toute l’habileté de Ozon va alors consister à faire incarner ces personnages réels et leurs vécus par des comédiens qui vont pratiquer une sorte de reconstitution, non pas du crime lui-même seulement évoqué par des flash-back rapides car par trop sordide, mais de ces vies corrompues par un mal indicible.
Du déni des parents par respect de l’autorité de l’Eglise, à l’absence d’écoute ou aux vaines tentatives de parents inquiets des dires de leur enfant, chaque situation va générer un comportement particulier de l’enfant puis de l’adulte dans son rapport avec son lourd secret. Et tout est “vrai” dans cette fiction: les faits, les noms, les échanges de mails*, les courriers, les déclarations publiques, jusqu’à cette phrase d’une lâcheté absolue du cardinal Barbarin “Grâce à Dieu, les faits sont aujourd’hui prescrits!”.
Il manquera juste à ce film le conseil que l’on peut donner à tous les parents qui est d’écouter la parole libre de leurs enfants ce qui leur évitera ce cheminement douloureux pour la retrouver à l’age adulte.
Un film difficile à produire
François Ozon dans le débat qui a suivi la projection ne cache pas les difficultés qu’il a eu pour réunir un budget, somme toute assez réduit, le sujet inquiète par le fait notamment que les faits ne sont pas encore jugés, et les scènes d’église ont été tournées en Belgique faute d’autorisation en France…
Le procès du cardinal Barbarin devrait s’ouvrir après maints reports en janvier 2019, quant à celui du principal accusé, celui qui est toujours le père Preynat, il n’est pas encore daté. Nul doute qu’il faudra ajouter un carton à la fin du film, lors de s sortie nationale, prévue aussi au cinéma des Carmes bien sûr, sortie pour laquelle il faudra patienter jusqu’au 20 février…
GP
*Seuls les échanges sur les réseaux sociaux ont été reconstitués sous forme de réunions, ce qui est somme toute, plus sympathique !
Grâce à Dieu
un film de François Ozon
avec Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Swann Arlaud