Par Gérard Hocmard
L’Histoire abonde de fausses bonnes idées, de propositions de solutions simples, trop simples, pour régler des problèmes complexes perçus comme urgents et qui ont abouti à des désastres.
Celle, par exemple, de profiter du rassemblement à Paris de chefs du parti huguenot à l’occasion du mariage du roi de Navarre, futur Henri IV, et de Marguerite de Valois, future « reine Margot » pour régler un problème de communautarisme de la façon que l’on sait, un jour de St Barthélemy.
Ou bien la solution trouvée en 1798 sous le Consulat pour combler le déficit du budget : un impôt sur la fortune sous forme de taxe sur les portes et fenêtres – signes évidents de richesse – qui a puissamment contribué au développement de la tuberculose dans les campagnes au cours du siècle qui a suivi, en réduisant souvent à une seule porte les possibilités d’aération des demeures les plus modestes.
Parmi toutes les idées lancées ces temps-ci à l’occasion de ce qui était au départ une des jacqueries liées à la pression fiscale comme notre pays en a tant connu, il y a celle dont se gargarisent les commentateurs : le « référendum d’initiative citoyenne ». On aimerait être sûr qu’elle émane des gilets jaunes des premiers jours, soucieux interpeller le gouvernement et de prendre le pays à témoin à propos de leur sort, plutôt que de fins tacticiens, habiles à distiller les poisons de la démagogie et, au passage, à casser, en s’attaquant au patrimoine national, au point qu’il faille, en pleine saison touristique d’hiver, fermer les musées et protéger le domaine de Versailles, pour éviter qu’ils ne soient zadés.
Depuis que l’idée a surgi, tout le monde y va de son commentaire et tout a été dit sur ce référendum. Paré de toutes les vertus démocratiques comme, dans la fable, le geai des plumes du paon, il apparaît selon certains comme LA solution. Il faudrait, pour croire cela, ne pas avoir participé à des assemblées générales d’étudiants, que n’aient pas eu lieu des expériences de démocratie directe genre soviets ou khmers rouges et surtout que n’existent pas les réseaux sociaux faiseurs d’opinion à base d’émotion.
On nous parle de votation à la suisse ou des « initiatives populaires » des états de l’ouest américain. On nous assure que cela fera chuter le taux d’abstention aux votes électifs. Voire ! Sommes-nous prêts à sacrifier plusieurs beaux dimanches – l’abstention hivernale étant à redouter de toute façon – pour aller trancher de problèmes d’importance variable à la place de représentants élus pour cela ?
Est-on au courant que les dérives de l’utilisation du référendum d’initiative populaire, et notamment l’injection de sommes colossales par des lobbies pour influencer les votes font qu’en Californie, par exemple, une énorme majorité de sondés souhaite actuellement que soient publiées l’identité du ou des initiateurs, ainsi que l’origine des fonds utilisés dans la campagne en vue du vote ?
Ne faut-il pas se méfier d’une procédure qu’un journaliste suisse qualifiait naguère, à propos d’un référendum sur la construction de minarets si je me souviens bien, de « poubelle à émotions » ? Certains observateurs ont justement fait remarquer, au micro de radios acquises d’avance à l’idée, que si la question de l’abolition de la peine de mort avait été soumise à référendum, la guillotine serait encore en usage.
Une idée qui risque inversement de faire long feu est celle qu’a émise cette semaine une députée de LREM, celle d’un impôt sur le revenu (travail et rente) dû par TOUS et non pas par moins d’un Français sur deux. Il s’agirait évidemment d’une somme symbolique pour les plus petits revenus, équivalente par exemple aux « frais d’élaboration de rôle », cet impôt sur l’impôt qu’on nous fait régler afin que les employés du fisc puissent être payés à faire leur travail. Le barème serait ensuite proportionnel, bien évidemment, et on pourrait en profiter pour remettre à plat et simplifier l’usine à gaz qu’est un système fiscal que le monde ne nous envie pas. Cela permettrait peut-être enfin d’amener les Français à se rendre compte que l’État, c’est eux et non pas une abstraction dont ils sont en droit de tout attendre. Je ne porte pas Mrs. Thatcher dans mon cœur, mais ne saurais contredire son affirmation : « Il n’y a pas d’argent de l’État, il n’y a que de l’argent des contribuables ».
Au passage, on pourrait peut-être aussi en finir avec les majorités de godillots et si on ne veut pas revenir sur le quinquennat (autre fausse bonne idée ?), on pourrait peut-être ré-inverser le calendrier des élections présidentielles et législative ? À moins qu’il ne s’agisse une nouvelle fois d’une fausse bonne idée ?
Gérard Hocmard